Le monde médical connaît bien le dépistage néonatal (DNN), et pourtant les évolutions récentes sont peu ou mal identifiées par les praticiens. Cette action de santé publique majeure, importée des États-Unis en 1972, est tellement banalisée qu’on pourrait en oublier son principal objectif : repérer, dans une population de nouveau-nés bien portants, des enfants présentant une pathologie, souvent d’origine génétique, qui ne s’exprime pas encore et dont le pronostic peut être radicalement modifié par un traitement précoce.
1 270 enfants repérés en 2023
Le programme français comporte aujourd’hui 14 maladies dépistées systématiquement en période néonatale, dont neuf erreurs innées du métabolisme (lire encadré). Les pathologies retenues par le Comité national de pilotage, après avis de la Haute Autorité de santé et publiées au Journal officiel, sont parfois très rares. Néanmoins, en 2023, 1 270 enfants concernés par ces maladies ont été repérés avant l’installation de complications irréversibles et pris en charge par des équipes spécialisées.
Au total, près de 40 millions d’enfants nés sur le territoire ont ainsi bénéficié de ce prélèvement sur buvard (le test de Guthrie), dont la réalisation doit être effective dès 48 heures de vie dans toutes les maternités (ou à domicile en cas de sortie très précoce). Son exhaustivité est proche de 100 % : il y a eu 500 refus parentaux sur 680 000 naissances en 2023.
Depuis 2015, tous les nouveau-nés bénéficient également d’un test fonctionnel (PEA ou OEA), à la recherche d’une surdité congénitale profonde, ce qui permet d’éviter, après appareillage précoce, l’apparition de troubles majeurs de la communication orale. Le coût actuel de ces dépistages cumulés est inférieur à 50 €/enfant.
Les 14 maladies dépistées aujourd’hui
Maladies métaboliques
Phénylcétonurie
Déficit en MCAD
Leucinose
Homocystinurie
Tyrosinémie
Acidurie isovalérique
Acidurie glutarique 1
Déficit en LCHAD
Anomalie du récepteur de la carnitine
Maladies endocriniennes
Hypothyroïdie congénitale
Hyperplasie congénitale des surrénales
Autres
Mucoviscidose
Drépanocytose
Surdité congénitale
Et après ?
Les années 2024 et 2025 seront marquées par des évolutions très attendues : généralisation du dépistage de la drépanocytose à toute la population, sans ciblage, puis instauration dans le programme national du dépistage des déficits immunitaires combinés sévères (situations graves qui conduisent pour la plupart à des greffes médullaires précoces) et de l’amyotrophie spinale infantile. Le traitement de cette maladie neurologique dramatique connaît depuis quelques années une véritable révolution grâce à l’administration très précoce de molécules innovantes, qui permettent le maintien des motoneurones et évitent la dégradation neurologique des nourrissons, jusque-là inexorable. Ce dépistage nécessite la mise en œuvre d’une nouvelle technologie utilisant des outils de génétique moléculaire et ouvre la voie à des perspectives ambitieuses de développement du DNN.
L’utilisation d’outils de génétique moléculaire ouvre des perspectives ambitieuses
Pr Frédéric Huet
D’autres maladies, en particulier métaboliques, sont susceptibles d’intégrer par la suite le programme national de dépistage, en respectant des conditions intangibles : l’existence d’un marqueur fiable, à la fois sensible (peu de faux négatifs) et spécifique (peu de faux positifs) et un bénéfice clinique indiscutable pour l’enfant grâce à un traitement ou une prise en charge efficaces. On considère aujourd’hui qu’environ 1 enfant sur 150 pourrait bénéficier directement d’un dépistage néonatal en accédant à une thérapeutique adaptée ou à une prise en soins précoce, ce qui le préserverait d’un handicap ultérieur ou d’un décès (10 % des décès d’enfants de un à cinq ans sont liés à une maladie rare).
10 %
des décès d’enfants de 1 à 5 ans sont liés à une maladie rare
Les progrès en innovations thérapeutiques des maladies orphelines, et en particulier en thérapie génique, sont spectaculaires, sous réserve d’une initiation précoce qui justifie le dépistage. Malheureusement, de nombreuses maladies rares ne disposent pas de marqueur biochimique détectable, si bien que la piste de l’utilisation des outils d’analyse génétique moderne (NGS pour next-generation sequencing) se justifie pleinement. Le coût de ces techniques, qui permettent d’analyser très rapidement le génome, baisse de façon spectaculaire et autorise aujourd’hui la mise en place de programmes pilotes, y compris en France. Des enquêtes auprès des professionnels de santé comme du grand public et de parents d’enfants malades (étude Seden) valident l’acceptabilité de ce concept, dans une logique de médecine préventive et de limitation de l’errance diagnostique, telle qu’évoquée dans le quatrième plan national maladies rares.
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