Céphalées aiguës

Une démarche diagnostic rigoureuse

Publié le 17/11/2014
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Tout le monde a déjà eu mal à la tête, les enfants comme les adultes. C’est pourtant un symptôme qui génère souvent une certaine angoisse. Il n’est, bien entendu, pas question de réaliser une imagerie à chaque épisode de céphalée et, d’ailleurs, dans la grande majorité des cas, le sujet qui a mal à la tête ne consulte pas. Bien souvent, il connaît son symptôme, car il l’a déjà ressenti.

Lorsqu’un patient se présente aux urgences pour céphalées, il faut donc prendre ce symptôme avec considération. Une démarche diagnostique rigoureuse s’impose. L’interrogatoire et l’examen clinique permettent de distinguer les céphalées primaires et les céphalées secondaires. Dans le premier cas, l’examen clinique est strictement normal. C’est une céphalée survenant sans aucun lien avec une autre pathologie, une anomalie ou un traumatisme identifiable. Elle correspond à une pathologie en elle-même.

Ces céphalées primaires sans lésion sous jacente sont de loin les plus fréquentes ; elles représentent environ 60 % des cas, le plus souvent il s’agit d’une céphalée de tension, plus ou moins chronique, non pulsatile, d’origine multifactorielle, mais fréquemment liée à des problèmes musculosquelettiques cervicaux et au stress.

Les migraines représentent 15 % des cas de céphalées primaires et les algies vasculaires de la face 5 %.

Les autres céphalées primaires sont plus rares : céphalées déclenchées par le froid, accompagnant la toux ou liées à un effort ou à l’activité sexuelle.

Lorsque les céphalées sont fréquentes et mal prises en charge, un abus d’antalgiques peut conduire à des céphalées chroniques quotidiennes (CCQ) qui toucheraient 3 % des patients.

Dans la majorité des cas, le patient qui consulte aux urgences souffre donc de céphalée primaire, la description est typique et l’examen clinique est normal. Aucune imagerie n’est indiquée.

Céphalées secondaires

Les céphalées secondaires représentent 40 % des cas. Elles surviennent dans un contexte particulier et s’accompagnent le plus souvent d’autres symptômes ou de signes d’alerte. Elles se distinguent par leur mode d’installation, aigu ou rapidement progressif, leur caractère brutal, voire en coup de tonnerre, ou par leur « différence » par rapport aux céphalées habituelles connues du patient.

L’examen recherche une altération des fonctions cognitives, une fièvre, des troubles de la conscience, des signes neurologiques focaux, un œdème papillaire, tous ces symptômes imposent des examens complémentaires.

Parmi les étiologies, les causes extraneurologiques sont les plus fréquentes : 35 % des cas. Ces dernières s’accompagnent de fièvre et/ou de troubles métaboliques. Il peut s’agir d’une affection ORL ou oculaire, ou encore d’une maladie d’Horton.

Les céphalées neurologiques représentent 5 % de l’ensemble des céphalées, mais leur prévalence augmente à partir de 40 ans pour atteindre 15 % après 65 ans. Elles peuvent être dues à un traumatisme, le contexte est alors évocateur, ou être le signe d’une atteinte intracrânienne vasculaire ou non.

Leurs caractéristiques, leur localisation et les signes associés permettent l’orientation diagnostique.

L’IRM en examen de référence, mais le scanner en urgence

L’IRM est l’examen de référence pour toutes les pathologies cérébrales. Donc, en théorie, tout patient pour lequel une imagerie est indiquée devrait avoir une IRM. Mais lorsque le pronostic vital est engagé et que le diagnostic doit être posé dans les meilleurs délais, en urgence, compte tenu de la disponibilité des IRM de proximité, c’est généralement un scanner qui est réalisé. Il permet d’éliminer les principales étiologies nécessitant une intervention thérapeutique urgente.

Les céphalées aiguës peuvent être des urgences vitales.

• Lorsqu’elle est ressentie comme un coup de tonnerre, avec un syndrome méningé et que sa topographie est occipitonucale, il convient de rechercher une hémorragie sous-arachnoïdienne ou méningée.

• En cas de céphalée brutale, avec nausées, vomissements et signes focaux (déficit moteur ou sensitif), l’IRM recherche une thrombose d’une veine cérébrale, ou un hématome.

• Associée à des acouphènes, à une paralysie faciale et à une douleur latérocervicale rétro-auriculaire, on évoquera une dissection artérielle.

• Les céphalées progressives récentes, diffuses et matinales, accompagnées de vomissements, d’un ralentissement intellectuel et de troubles visuels font rechercher une tumeur ou une thrombose veineuse.

Cette distinction entre céphalées chroniques et aiguës ou rapidement progressives n’est bien sûr pas aussi nette. Ainsi, par exemple, la survenue d’une céphalée aiguë « différente », inhabituelle, chez un patient migraineux doit être considérée comme une alerte. Le migraineux qui se présente aux urgences doit donc être bien interrogé et bien examiné et une imagerie doit être pratiquée au moindre doute.

«Un examen normal n’est jamais inutile, insiste le Pr Gauvrit. Un examen négatif est un résultat en soi et n’est pas synonyme de mauvaise indication ».

D’après un entretien avec le Pr Jean-Yves Gauvrit, responsable de l’unité d’imagerie neurofaciale, service de radiologie, du CHU de Rennes

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Source : Le Quotidien du Médecin: 9366