Le point de vue du Dr Armand Semerciyan*

Sans les infirmiers, les hospitaliers, « COVIDOM » et la téléconsultation, cela aurait été une mission impossible...

Publié le 02/06/2020
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Voilà quatre décennies qu'il est installé dans une commune des Hauts-de-Seine. Proche de la retraite, ce généraliste qui exerce en solo se souviendra longtemps de cette crise, même si ce n'est pas la première qu'il a eue à gérer.

Cela fait 42 ans que j’exerce la médecine générale à Clamart dans les Hauts-de-Seine. J’habite au-dessus de mon cabinet et mon épouse assure le secrétariat lorsque je suis en visite à domicile. En 2003, on avait déjà été confronté au SRAS et on était parvenu à gérer. On a un peu oublié depuis, car la crise était moins aiguë qu’aujourd’hui. Mais ce fut une première alerte.

Quand l’épidémie de Covid-19 s’est déclarée, j’ai connu des problèmes d’approvisionnement en matériel de protection : masques, gel hydroalcoolique, lingettes, saturomètres etc... Heureusement, j’en avais un peu en réserve, mais pendant les premières semaines, je craignais d’être à court. Tous les fournisseurs de matériels médicaux et de produits d’hygiène étaient et sont encore en partie en rupture de stocks. Les dotations hebdomadaires en masques dont on dispose à présent en pharmacie sont suffisantes.

Autre problème rencontré en début de crise : les tests. Nous ne pouvions pas tester tous les patients suspects, les tests étant réservés à ceux ayant des antécédents de gravité. Cela étant, plusieurs de mes patients ont présenté des formes graves de Covid nécessitant une hospitalisation malgré des tests virologiques négatifs.

Deux hospitalisations le jour de Pâques

Concernant la gestion des appels de patients, j’ai beaucoup utilisé la téléconsultation pendant cette période, et la présence des infirmiers et infirmières à domicile a permis d’assurer un suivi régulier des patients. Car le problème avec cette maladie, c’est que les patients peuvent décompenser très vite. Je n’avais jamais téléconsulté auparavant. Cette fois, je m’y suis mis via WhatsApp. A l’issue de cette épidémie, il est probable que je décide de m’équiper. Mais vraiment au cas où, car la téléconsultation ne me semble pas la méthode la plus appropriée pour une prise en charge optimale des patients.

J’ai fait hospitaliser deux de mes patients le dimanche de Pâques, ils allaient bien le matin et se sont rapidement aggravés dans l’après-midi. J’ai eu au total sept patients hospitalisés en réanimation depuis le début de la crise. Tous sont à présent sortis d’affaire.

Fort heureusement, j’ai pu compter sur le soutien de mes confrères hospitaliers (de l’hôpital Béclère et Percy à Clamart, de la clinique de Meudon) pendant cette crise, pour leurs conseils avisés au téléphone et la prise en charge rapide des patients qui décompensaient. La réactivité des établissements hospitaliers a été précieuse et je rends hommage à mes confrères hospitaliers pour leur aide. Par contre, faute de places, la situation a été plus compliquée à gérer pour les patients non atteint du Covid nécessitant une hospitalisation, notamment en gériatrie.

Au quotidien, on a quand même vécu avec l’angoisse. D’abord pour les patients qu’il faut protéger. Ensuite, pour ceux qui sont contaminés, qui vont bien au début et qui peuvent déclarer brutalement des complications en 4 ou 5 heures. Pour certains, je les appelais deux fois par jour et faisais en sorte que les infirmiers passent par ailleurs matin et soir. En parallèle, l’application « COVIDOM »de télésuivi de tous les patients confirmés ou suspects de COVID par une plateforme mise en place par l’AP-HP a permis d’optimiser leur surveillance.

Quand on a 70 ans, on ne peut s’empêcher de penser qu’on fait également partie des personnes à risques, même si ce sont les risques du métier. Et bien sûr, on redoute également de transmettre la maladie à son entourage…

La protection des patients reçus au cabinet a supposé une organisation compliquée : dès leur arrivée, il s’agissait de les protéger, faire en sorte que personne ne se croise en salle d’attente, puis désinfecter et aérer… Au plus fort de la crise, j’ai connu une nette baisse d’activité, ce qui a permis cette organisation particulière.

Mais l’accueil des patients est un des défis à relever pour la reprise : je vois actuellement un patient tous les trois quarts d’heure contre trois patients par heure avant l’épidémie avec des plages réservées pour les urgences comme auparavant. Pour l’instant, on arrive à gérer, car il n’y a pas encore trop de demandes, mais demain, cela pourrait vite poser problème. Je reste néanmoins optimiste, partant du principe que tout problème a une solution.

EXERGUE :  « Pour certains, je les appelais deux fois par jour et faisais en sorte que les infirmiers passent matin et soir. »

* Dr Armand Semerciyan, médecin généraliste, Clamart (92)

Source : Le Quotidien du médecin