Le régime alimentaire impacte les deux tiers des patients avec un syndrome de l’intestin irritable (SII). L’une des approches, semblant améliorer les symptômes digestifs de certains patients, consiste à réduire des hydrates de carbone FODMAPs. « Mais il n’est plus possible d’affirmer que ce régime soulage 70 % des patients comme l’indiquait une étude pionnière australienne parue en 2014 (1), fait remarquer le Pr Jean-Marc Sabaté (hôpital Avicenne, Bobigny). Ce serait plutôt aux alentours de 50 à 60 % dans d’autres études (2) ». Deux méta-analyses, publiées en 2017 et 2018, sont en faveur d’une certaine efficacité de ces régimes, qui reste cependant difficile à préciser (3-4). De plus, ils n’améliorent pas obligatoirement la qualité de vie, et demeurent une gageure à suivre sur la durée. Néanmoins, afin d’évaluer leur impact, il faut connaître le niveau de consommation globalement et chez les patients avec SII, lequel varie en fonction des habitudes alimentaires. En France, jusqu'à présent, les données n’existaient pas...
Plus de moitié des patients au régime
Coordonnée par l'équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN, Paris), la grande cohorte NutriNet-Santé est composée de 170 000 adultes volontaires. Parmi eux, 27 949 participants, dont 1 295 souffraient de SII, ont répondu aux questionnaires en ligne concernant le diagnostic du SII (Rome IV) et sa sévérité (IBS-SSS). Ils ont également complété des enregistrements alimentaires de 24 heures. Selon les résultats, « la prévalence du SII dans la population française est de 4,6 %, ce qui correspond aux données de la littérature, commente Jean-Marc Sabaté. En revanche, seconde révélation un peu surprenante, la consommation moyenne quotidienne de FODMAPs est de 19 g, tant chez les colopathes que chez les autres participants. C’est légèrement plus élevé que dans les études réalisées dans d’autres pays, soit environ 16 g/j. Cela semble en rapport avec une consommation plus importante dans l’Hexagone de fructose via les fruits. L'apport quotidien moyen en FODMAPs était légèrement plus faible chez les patients que chez les sujets sains (OR ajusté : 0,88, IC 95 % : 0,82-0,95, p = 0,001) mais 54 % des patients avaient des apports supérieurs à 16 g/j. En théorie donc, plus de la moitié des patients pourraient être concernés par l’application de ce régime ».
Vis-à-vis de la consommation en FODMAPs, trois groupes ont été individualisés : moins de 9 g/j (l’objectif à atteindre du régime pauvre en FODMAPs), entre 9 et 16 g/j et au-delà de 16 g/j (consommation normale ou élevée). « De manière un peu curieuse, relève le spécialiste, parmi les patients ayant un score de sévérité important (IBS-SSS > 300), il y a deux fois plus de personnes qui consomment moins de 9 g/j de FODMAPs (20 % versus 8 à 12 % pour les autres groupes). Sans être affirmatif, on pourrait penser que les colopathes ayant une forme sévère de la maladie, ont eu vent du régime et l’appliquent eux-mêmes ». La méthodologie de NutriNet-Santé n’ayant pas permis de demander aux volontaires s’ils suivaient un régime, ce ne sont donc que des suppositions, soutenues cependant par le fait que ce régime pauvre en FODMAPs a gagné en popularité ces dernières années (de 7 % en 2013 à 52 % en 2017). « Il faudrait pouvoir quantifier précisément la consommation en FODMAPs des patients, avant de leur prescrire un régime si contraignant et probablement inutile s’ils en consomment déjà peu », résume Jean-Marc Sabaté.
(1) Halmos EP. et al. Gastroenterology. 2014 Jan;146(1):67-75
(2) Bohn L. et al. Gastroenterology. 2015 Nov;149(6):1399-1407
(3) Schumann D et al.Nutrition. 2018 Jan;45:24-31
(4) Altobelli E. et al. Nutrients 2017, Aug 26;9(9)
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