En France, la prévalence du surpoids (obésité incluse) est estimée entre 15 et 20 % chez les enfants de 6 à 17 ans. Parmi ceux-ci, 3 à 5 % sont obèses. Dans les pays industrialisés, ces statistiques restent stables depuis la fin des années 1990. « Par ailleurs, 80 % des enfants obèses avant 2 ans et plus de 50 % des enfants obèses avant 6 ans, évoluent spontanément de façon favorable, sans intervention médicale, ni régime restrictif », souligne le Pr Patrick Tounian, chef du service de nutrition et gastroentérologie pédiatriques, à l'hôpital Trousseau, à Paris. Pour les autres, un véritable parcours du combattant débute : celle de la lutte pour perdre du poids et pour faire face aux discours stigmatisants, à tort, les personnes obèses.
Une programmation génétique
Car contrairement aux idées reçues, la sédentarité, le manque d'activité physique ou la malbouffe ne seraient pas la cause de la prise de poids excessive de l'enfant. « La cause de l'obésité de l'enfant est purement génétique. Nous l'avons démontré par le biais de multiples travaux. Il existe une inégalité totale entre les individus : si la grande majorité des enfants peuvent manger ce qu'ils souhaitent sans prendre de poids de manière excessive, d'autres, sont programmés pour devenir obèses », indique le Pr Tounian. Les enfants en surpoids ou obèses s'alimentent plus que leurs pairs et, certains, pratiquent moins d'activité physique. Mais ces comportements ne sont pas liés à une éventuelle paresse ou au laxisme parental. « Comme ces enfants ont un poids programmé à un niveau plus élevé que leurs pairs, leur cerveau leur dicte de manger davantage pour atteindre ce poids. Et lorsqu'ils ne mangent pas à leur faim, leur cerveau leur donne l'ordre de bouger moins. Ainsi, les enfants obèses -qui mangent à leur faim- ne pratiquent pas moins d'activité physique ou de sport que les autres », précise le Pr Tounian.
Un traitement innovant à l'étude…
Si l'on est encore loin de comprendre l'ensemble des mécanismes cérébraux à l'origine de l'obésité de l'enfant, une voie très importante, celle des mélanocortines, a été élucidée ces dernières années. Cette voie commence par la leptine : hormone sécrétée par le tissu adipeux qui se fixe sur un récepteur spécifique au niveau de l'hypothalamus. « Il s'agit d'un système qui induit une inhibition de la faim. Notre unité de recherche vient de montrer que 3 % des obésités sévères de l'enfant et de l'adulte sont liées à des anomalies génétiques concernant la voie des mélanocortines. Cette voie est loin d'être la seule impliquée dans l'obésité, mais elle est à ce jour, la plus connue et étudiée. Dans les décennies à venir, nous trouverons, je l'espère, tous les fonctionnements génétiques à l'origine de l'obésité. Aujourd'hui, nous sommes en train de réaliser une étude pilote avec un médicament permettant de contrecarrer l'anomalie génétique présente sur la voie des mélanocortines. Nos premiers résultats montrent que nous pouvons guérir certains patients obèses grâce à ce médicament », assure le Pr Tounian.
…pour améliorer la qualité de vie des enfants
Si cette approche physiopathologique de l'obésité est avant-gardiste, le traitement, lui, reste primitif. Les enfants et adolescents qui souhaitent perdre du poids n'ont, à ce jour, qu'une seule solution : suivre un régime restrictif. « La perte de poids chez l'enfant est possible mais difficile. Elle s'effectue au prix d'une frustration importante. Car elle implique qu'il ne mange pas à sa faim. Par ailleurs, il est désormais clairement établi que la perte de poids durant l'enfance (et jusqu'à 18 ans) n'est ni corrélée au pronostic pondéral à l'âge adulte, ni au pronostic cardiovasculaire à l'âge adulte », confie le Pr Tounian. Dans ces conditions, l'objectif de la perte de poids durant l'enfance et l'adolescence est l'amélioration de la qualité de vie immédiate. Si le poids de la génétique prédomine jusqu'à 18 ans, il s'amenuise avec l'âge. Chez l'adulte obèse, les excès alimentaires et le manque d'activité physique doivent donc être pris en charge pour en limiter l'impact sur la santé métabolique et cardiovasculaire.
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