L’an dernier, une étude sur les hypoglycémies sévères menée dans la région grenobloise sous la férule de Serge Halimi avait mis en évidence que bon nombre d’entre elles étaient liées à un mésusage des insulinosécréteurs chez des sujets fragiles.
Cette année, re-belote ! À la fois dans une base de données patients suivis par 1 000 généralistes (IMS LifeLink Cohorte Diabète (1) et dans une étude évaluant l’impact d’une maladie rénale chronique sur la prise en charge médicamenteuse du diabète (2).
Dans la base de données de 6 680 patients l’âge moyen est de 66±12 ans, la durée du diabète de 8±8 ans, un quart est âgé de plus de 75 ans, un cinquième sont insuffisants rénaux et la moitié ont un antécédent cardiovasculaire. Selon les critères HAS, parmi eux : 4 % sont éligibles pour une cible d’HbA1c ‹ 6,5 % ; 35 % pour une cible ‹ 7 % ; 43 % pour une cible ‹ 8 % et 18 % pour une cible ‹ 9 %. Globalement, trois-quart des patients atteignent leur cible d’HbA1c.
Mais, sans surprise, la proportion de patients atteignant sa cible diminue avec la complexité des traitements. Et, gros bémol, une majorité est traitée avec une thérapie qu’ils ne devraient pas recevoir. Ainsi, deux tiers des insuffisants rénaux (1 300 patients) sont sous traitement formellement contre indiqué ou à posologie proscrite. Parmi, les patients sous sulfonylurées associées à l’insuline (n = 132), les trois quarts sont des sujets déjà à risque d’hypoglycémies.
La seconde enquête porte sur 3 704 patients recrutés en 2 012 par 968 médecins (généralistes et diabétologues). Parmi eux, 2 472 sont considérés comme ayant une maladie rénale chronique. Leur débit de filtration glomérulaire moyen est de 49 ml/min/m², avec 15 % d’insuffisance rénale (IR) sévère et 66 % d’IR modérée. Ils sont en moyenne plus âgés (71 versus 63 ans) diabétiques depuis plus longtemps (13 versus 9 ans), plus hypertendus (91 versus 71 %) et ont plus de complications du diabète (rétinopathie 20 versus 8 %, macrovasculaire 40 versus 17 %). Ils sont aussi moins bien contrôlés en termes d’HbA1c (7,5 versus 7,1 %). Avec l’aggravation de l’IR, leur traitement antidiabétique comporte moins de metformine et de sulfamides, et plus d’insuline et de glinides. Cependant, un tiers des IR sévères sont toujours sous metformine, strictement contre indiquée. Et 20 % des IR sévères reçoivent des sulfamides, non recommandés chez ces sujets à haut risque d’hypoglycémie. Enfin, à l’issue de la consultation, la metformine n’a été arrêtée qu’une fois sur trois chez les IR sévères. Elle était donc maintenue sept fois sur dix…
« En pratique clinique, on parle beaucoup d’inertie thérapeutique dans son versant négatif. Elle existe, et cause le sous-traitement de nombre de diabétiques non fragiles, relevant d’un traitement plus agressif. De l’autre côté, comme l’illustre notre étude, l’inertie thérapeutique c’est aussi en un certain surtraitement des patients vulnérables et à haut risque d’hypoglycémies, au premier rang desquels les sujets âgés et/ou insuffisants rénaux. Alors que, chez ces sujets fragiles, la personnalisation des cibles et des traitements est fondamentale. Elle devrait se traduire, en termes d’antidiabétiques oraux, à la prescription de ceux les moins à risque d’hypoglycémie, sans pour autant laisser dériver l’HbA1c au-delà de 8 % », commente le Pr Alfred Penfornis (CHU de Besançon).
D’après les communications du Pr Étienne Larger
(1) Diabète de type 2 : quels objectifs thérapeutiques selon les nouvelles recommandations de la HAS ? Analyse de 6 680 patients suivis par des médecins généralistes
(2) Blicklé JF, Penformis A. Prise en charge thérapeutique globale de patients diabétiques de type 2 avec ou sans maladie rénale chronique : étude OréDia
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