Épigénétique

Agir avant la naissance

Publié le 08/09/2014
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Parmi les facteurs avancés pour expliquer « l’épidémie » actuelle diabète de type 2, la sédentarité et la nutrition de type occidentalisé bien sûr, la génétique, mais aussi les modifications de l’environnement qui touchent les enfants et les adultes. Le rôle délétère de certains polluants, comme l’acide téréphtalique, les polybromodiphényléthers (PBDE, largement utilisés dans les jouets pour leur effet retardateur de flamme), la dioxine ou l’arsenic (qui agit directement sur les cellules bêtapancréatiques chez la femme enceinte comme chez le fœtus dès la conception), a été établi. Ces polluants altèrent la programmation fœtale in utero, et l’altération de l’expression des gènes se maintient ensuite dans le temps, ce qui peut entraîner diverses maladies à l’âge adulte ainsi que dans les générations suivantes.

Par exemple, le bisphénol A, retrouvé dans 93 % des cordons ombilicaux analysés en Europe, est responsable à terme d’obésité, de diabète de type 2, d’hypertension artérielle et de puberté précoce.

La dioxine est de son côté à l’origine de maladie auto-immunes, dont le diabète de type 1.

La grossesse est une période où les femmes sont plus sensibles à ces polluants ; elles peuvent développer des maladies des années après la grossesse.

L’obésité chez les femmes enceintes est également délétère à court terme pour le fœtus, mais aussi à plus long terme chez les enfants. Les anomalies de la nutrition du fœtus sont en effet responsables d’altérations épigénétiques, qui passent par différentes voies, dont la plus étudiée est la méthylation de l’ADN. Lorsque le gène est méthylé, son expression est altérée et, par là même, la protéine pour laquelle il code. Par exemple, des travaux expérimentaux menés sur un modèle de rates soumises à un régime hypercalorique ont mis en évidence chez le fœtus des anomalies au niveau cérébral dans le noyau arqué (1). Cette augmentation du nombre de neurones de l’appétit est responsable d’une hyperphagie qui entraîne une obésité à l’adolescence puis plus tardivement une hyperglycémie et du diabète.

Une cascade d’événements comparable est observée chez l’homme. Des travaux récents ont montré que l’obésité maternelle est à l’origine d’un surrisque de mortalité de 35 % chez leurs descendants à l’âge adulte (34 à 61 ans), principalement de cause cardiovasculaire (2). Ces données suscitent des recherches pour évaluer l’impact de stratégies interventionnelles très précoces, avant même la première grossesse, pour promouvoir activité physique et équilibre alimentaire chez les femmes obèses dans le but de réduire le risque de diabète chez leurs descendants lorsqu’ils atteindront l’âge adulte.

D’après les sessions « Making an impact in gestational diabetes », « Diabetes in pregnancy the metabolic environment in mother and child », « Longer consequences of gestational diabetes on offsprings » et un entretien avec le Pr Nathalie Jeandidier, service d’endocrinologie, diabète, nutrition et addictologie, hôpital civil de Strasbourg.

(1) Ross MG et al. Ann Nutr Metab 2014 ;64(suppl 1):36-44

(2) Reynolds RM et al. BMJ 2013 ;347:f4539

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du Médecin: 9346