Cancer du sein

Les conditions du dépistage par tomosynthèse

Publié le 11/07/2013
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ON EST face à un paradoxe. Certes le cancer du sein reste en tête de la mortalité par cancer chez la femme mais la problématique du surdiagnostic et du surtraitement est aujourd’hui clairement posée avec les risques que le développement de l’imagerie et du dépistage mette à jour des lésions de nature ambiguë dont l’évolution vers un cancer est incertaine et que les principes de précautions puissent alors induire des traitements excessifs pour des cancers de très bon pronostic. Pour tenter de résoudre cette contradiction, deux tendances fortes émergent : les progrès de l’imagerie avec une meilleure sensibilité et une meilleure spécificité, et la réalisation d’une prise en charge personnalisée, diagnostique et thérapeutique.

«Parmi les nouveaux moyens de diagnostic, déclare le Pr Patrice Taourel, la tomosynthèse est à mon avis, une vraie révolution. Elle pourrait remplacer la mammographie en deux dimensions (2D) dans le dépistage ». La mammographie 2D peut en effet être source de faux positifs avec la détection de pseudo-cancers créés par la superposition de structures normales et de faux négatifs avec des cancers masqués par des structures glandulaires normales. La tomosynthèse consiste en l’acquisition d’images mammographiques 2D de basse dose sous différents angles. Elle permet de s’affranchir des phénomènes de superposition et ainsi d’éviter des faux positifs et de permettre le diagnostic de lésions qui seraient masqués par ces phénomènes. Depuis quelques années, les performances de la tomosynthèse sont validées dans des séries rétrospectives avec des gains de sensibilité et de spécificité de l’ordre de 10 à 15 %.

Sensibilité et spécificité.

Plus récemment, on dispose des résultats de deux études, l’une norvégienne (1) et l’autre italienne (2), qui montrent un gain significatif en sensibilité comme en spécificité par la tomosynthèse dans des conditions de dépistage. Les résultats essentiels de ces études étaient les suivants : 15 à 40 % de cancers supplémentaires étaient diagnostiqués grâce à la tomosynthèse ; le taux de rappel était diminué de 15 à 20 % avec une diminution significative du nombre de faux positifs ; les cancers diagnostiqués et non vus à la mammographie étaient plutôt des cancers invasifs que des cancers in situ ; l’apport de la tomosynthèse était indépendant de l’âge des patientes ou de la densité mammaire.

Reste un vrai problème en terme de dépistage : celui de l’irradiation car la tomosynthèse ajoute des clichés 3D à des clichés 2D, avec une multiplication de l’irradiation de 2,2 par rapport à la mammographie seule. « Mais, souligne le Pr Taourel, il semble possible, pour que cet examen soit accepté en dépistage, d’acquérir les images uniquement en 3 dimensions et de faire à partir de cette acquisition une reconstruction « synthétique » en 2D avec pour résultat final des images en 2D et 3D. Le rayonnement ne serait alors multiplié que par 1,2 par rapport à la mammographie seule. L’équipe norvégienne étudie actuellement cette technologie ».

Communication du Pr Patrice Taourel, département d’imagerie médicale Lapeyronnie, CHU de Montpellier.

(1) Radiology, avril 2013.

(2) Lancet Oncology, juin 2013.

Dr BRIGITTE MARTIN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9257