Les critères de l’obstacle médico-légal (OML) viennent d’être listés dans les nouvelles recommandations de pratiques professionnelles (RPP) de la Société française de médecine d’urgence et de la Société française de médecine légale et d’expertises médicales, présentées pour la première fois au congrès. « Veuillez respecter à la lettre ces critères, car il est facile de passer à côté d’un homicide ou d’un décès suspect, enjoint le Dr Emmanuel Margueritte (service de médecine légale - service des urgences Smur-Samu 34, CHU de Montpellier) l’un des coauteurs de ces RPP. J’insiste sur les intoxications, qui passent parfois inaperçues, et sur toutes les formes de suicide, notamment médicamenteuses, lesquelles nécessitent un OML. De manière générale, toute mort inexpliquée, y compris chez des personnes âgées découvertes décédées sans signe externe de violence ni antécédent médical évident, impose une vigilance. Certains cas de surdosage médicamenteux, volontaire ou non, illustrent parfaitement ce risque. »
Il est facile de passer à côté d’un homicide ou d’un décès suspect
Dr Emmanuel Margueritte
Ces RPP 2025 rappellent et simplifient les circonstances exigeant un OML. « Certaines situations sont déjà bien connues, comme les morts violentes, les homicides et les suicides par arme à feu, énumère le Dr Margueritte. D’autres méritaient selon nous d’être plus encadrées, comme le fait qu’absolument tout décès survenant en cas d’accident de la voie publique impose un OML. »
Trop de cas échappent à la procédure
Tout décès survenant lors d’un événement sportif doit aussi entraîner un OML. Il en va de même pour les noyades, quel que soit le lieu de l’événement ou la présence de témoins. « Certains cas échappent parfois à cette procédure, alors que l’OML s’avère indispensable », indique le praticien.
Même principe concernant les accidents de travail ou survenant pendant les trajets vers le travail. L’imputabilité de ces accidents mortels est souvent complexe, d’où la nécessité d’un OML (même en présence de témoins) et d’une autopsie.
Un autre exemple où l’obstacle médico-légal est pleinement justifié est la mort subite, définie comme « le décès survenant sans maladie apparente ni symptômes avant-coureurs ». L’origine cardiaque est responsable de 80 % des morts subites, avec une incidence croissante avec l’âge. Les analyses génétiques permettent d’identifier la cause du décès dans 20 à 40 % des cas avant 40-45 ans, facilitant ainsi le dépistage familial des cardiopathies héréditaires.
Autre point important : tout décès inopiné survenant après un acte de soin – diagnostique ou thérapeutique – doit entraîner la pose d’un OML ; une règle réaffirmée dans la version 2025.
La clé d’une investigation rigoureuse
Ne pas poser un OML malgré sa nécessité expose à plusieurs conséquences. Pour la justice, cela revient à ignorer un éventuel homicide, volontaire ou non. Quant aux familles, elles souhaitent de plus en plus souvent connaître la cause du décès de leurs proches. Le Dr Margueritte l’a constaté à plusieurs reprises : « Dans certains cas, notamment lors de suicides (comme les pendaisons), des homicides peuvent être déguisés. Ce devoir d’attention s’impose même si la situation paraît claire. » Et de faire remarquer : « Sur environ 646 000 décès par an (2024) en France, seules environ 12 000 autopsies sont pratiquées. Ce chiffre est anormalement bas ; l’incidence de l’homicide volontaire est probablement sous-estimée. Plusieurs études ont mis en évidence, sur des cas d’exhumation, que certains meurtres avaient été initialement classés à tort comme des morts naturelles. »
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