C’est une première et peut-être le début d'une série. L’Assurance-maladie vient de « déconventionner* » pour une durée de 5 ans et sans sursis un centre de santé dentaire des Yvelines et un centre ophtalmologique et dentaire de Seine-Saint-Denis. La Cnam leur reproche d’avoir « établi de fausses facturations et d’avoir facturé des actes fictifs, c’est-à-dire non réalisés ». Des pratiques frauduleuses à l’origine d’un préjudice financier de près de 1,5 million d’euros pour la Cnam.
Ces deux décisions prendront effet le 23 janvier pour le centre de Seine-Saint-Denis et le 1er février pour celui des Yvelines. La Cnam précise qu’elle a recueilli l’avis favorable unanime des membres des commissions paritaires départementales des centres de santé des Yvelines et de Seine-Saint-Denis.
Intensification de la lutte contre la fraude
Cette procédure accélérée de déconventionnement a été rendue possible grâce à l’avenant 4 de l'accord entre la Cnam et les centres de santé, publié au Journal officiel en octobre. Celui-ci stipule que la Sécu « peut faire des déconventionnements d’urgence en cas de facturation d’actes fictifs », explique le Dr Thierry Bour, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof).
Ralentie par la crise Covid, la lutte contre la fraude a en effet été relancée et intensifiée en 2022. L'Assurance-maladie est particulièrement mobilisée pour contrôler les centres dentaires (épinglés par l’émission d'enquête « Cash Investigation ») et ophtalmologiques « lorsque de fortes atypies de facturation sont identifiées ».
Au total, 88 centres dentaires et 44 centres ophtalmologiques feraient l’objet de contrôles par les caisses. C’est dans ce cadre que la Cnam et les ARS de dix régions ont mené mi-novembre des missions d’inspection et contrôle dans dix centres de santé dentaires, en collaboration avec les services d’inspection du travail.
Encadrement
L’Assurance-maladie a aussi mis en place depuis l'automne 2020 des « task forces nationales » pour attraper les gros fraudeurs. Une enquête du parquet de Paris vise depuis l'été 2021 un réseau de centres ophtalmos pour des soupçons de fraude – surfacturations, actes fictifs, cumul d'examens – estimée à plus de sept millions d'euros.
La Cnam peut aussi compter sur l’aide des députés. L’Assemblée nationale a adopté en première lecture en novembre une proposition de loi visant à renforcer l'encadrement des centres de santé dentaires et ophtalmologiques. Sont prévus le retour d'un agrément préalable des ARS et le renforcement des sanctions. Le texte sera examiné en février au Sénat.
Si ce texte va dans le bon sens, une tendance inquiète le président du Syndicat des ophtalmologistes. En raison du renforcement de l’encadrement précité, certains centres de santé « se désengagent de l’ophtalmologie et du dentaire et commencent à embaucher dans d’autres spécialités, explique le Dr Thierry Bour. On peut craindre que l’on ne soit qu’au début de dérives qui pourront atteindre d’autres spécialités comme la gynécologie, l'ORL ou la radiologie… ».
*Le déconventionnement d’un centre implique que l’Assurance-maladie ne prend en charge les soins pratiqués que sur une base très faible, le tarif d’autorité, soit par exemple pour une consultation d’ophtalmologie à 30 € un remboursement de 1,22 €.
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