Parcours de soins : responsabilité populationnelle, un succès qui ne fait que s’amplifier

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Publié le 17/05/2024
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Après le déploiement réussi de l’expérimentation autour de la responsabilité populationnelle, d’autres territoires souhaitent entrer dans ce dispositif prenant en compte les besoins en santé d’une population. Avec l’espoir d’une généralisation de ce système qui serait soutenue financièrement par l’État.

L’expérimentation de la responsabilité populationnelle cible notamment le diabète

L’expérimentation de la responsabilité populationnelle cible notamment le diabète
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Économiser 3,5 % des dépenses tout en améliorant la santé de la population, c'est la promesse de la responsabilité populationnelle (RP), selon l’OCDE. Une réponse face au constat que le modèle sanitaire français reste toujours axé sur le soin et sur l’aigu, et pas sur la prévention ? Antoine Malone, responsable de la RP à la Fédération hospitalière de France (FHF), dénonce en effet cette situation : « En 2022, 12 500 patients diabétiques ont été amputés. C’est honteux ! » Ces personnes désormais handicapées à vie vont aussi avoir besoin de nouveaux soins, ce qui entraînera des coûts supplémentaires. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres d’un système qui n’est plus adapté à une population vieillissante et atteinte de maladies chroniques.

L’objectif de la RP est de développer un modèle d’intégration clinique qui passe par l’ensemble des professionnels de santé afin de maintenir une population en bonne santé. De plus, si les hospitaliers ont des conditions de travail plus favorables, grâce à une meilleure gestion des flux aux urgences par exemple, ils auront tendance à rester en poste.

La Haute-Saône fait partie des cinq territoires pilotes qui bénéficient depuis 2018 d’une expérimentation au titre de l’article 51 de la RP (avec l’Aube-Sézannais, la Cornouaille, les Deux-Sèvres et le Douaisis), qui cible le diabète et l’insuffisance cardiaque, la première étant beaucoup plus traitée dans le dispositif que la seconde.

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Plus d’hospitalisations en ambulatoire et moins aux urgences

La politique de prévention de la RP a pour but de réduire les prises en charge en aval, souvent bien plus coûteuses. Dans les cinq territoires pilotes, les patients concernés viennent à l’hôpital quand ils en ont besoin, donc plus souvent, mais pas en urgence. Résultat, le nombre de patients diabétiques qui ont été repérés plus en amont et dont le lien ville-hôpital a été facilité a été multiplié par 2,5 dans ces terrains expérimentaux. Illustration avec la Haute-Saône, qui voit de 2020 à 2023 son taux ambulatoire d’hospitalisations pour diabète augmenter de 41,5 % à 74 % tandis que la moyenne nationale stagne à 52,2 %.À l’inverse, le nombre de passage aux urgences pour cette pathologie y est passé en trois ans de 19,5 % à 7,7 % quand la moyenne nationale ne descend que de cinq points (voir infographie). Au final, le coût moyen des séjours de patients diabétiques est plus faible en Haute-Saône qu’au niveau national.

Politique de l’aller-vers

Côté agenda, des réunions de concertation cliniques ont été menées en 2019-2020 avec tous les acteurs liées à la population cible. Après le Covid, le modèle a été déployé en janvier 2022 avec une politique de l’aller-vers. Sur 15 000 personnes intégrées, 12 à 13 000 ont été diagnostiquées et environ 4 000 sont entrées dans un parcours de santé.

Antoine Malone se souvient : « Je suis allé dans les ateliers techniques de l’agglo de Niort, qui organisaient une opération de sensibilisation/dépistage avec les services de santé de la Communauté d’agglomération du Niortais (qui gère la collecte des déchets ménagers) à destination de ses ouvriers. Les salariés ont été très satisfaits de pouvoir faire le point sur leur état de santé. »

Un dispositif qui fait des émules

Prochainement, les hôpitaux Nord Franche-Comté, Sud Lorraine et Alpes du Sud vont rejoindre l’expérimentation. Le succès est tel que 30 autres territoires souhaiteraient rejoindre l’aventure. Pour ce faire, l’État devra reprendre la main en généralisant le dispositif. Pour l’instant, chaque territoire reçoit 100 000 euros par an – une paille quand on prend en compte les économies réalisées. Selon un rapport de l’OCDE, il sera possible d’économiser jusqu’à 3 500 euros par personne en 2050 avec ce type de programme. Comment rattraper le retard français ? En Allemagne, pour la mise en place d’un tel programme, le financement passe notamment par des chargés de mission : on en compte déjà cinq par territoire, contre un seul en France.


Source : Le Quotidien du Médecin