Déjà adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, la proposition de loi (PPL) visant à renforcer l'encadrement des centres de santé a été votée en deuxième lecture au Sénat (sans modification), ce qui vaut adoption définitive. La loi devrait être promulguée dans un délai maximum de quinze jours, sauf si le Conseil constitutionnel est saisi.
Cette PPL de la majorité s'emploie à répondre aux dérives graves (mauvais traitements, abus financiers) constatées dans l’activité de certains centres, à l'image de l’affaire des centres low cost Dentexia et Proxidentaire. La loi vise donc en priorité à encadrer les centres de santé dentaires et ophtalmologiques dont la croissance n’est « pas maîtrisée ». En effet, la moitié des centres (plus de 2 500) sont exclusivement dentaires, ce à quoi il faut ajouter plus d’une centaine de centres uniquement ophtalmologiques.
Agrément préalable obligatoire
Désormais, les centres – ou leurs antennes – ayant une activité dentaire ou ophtalmologique seront soumis à l’agrément préalable du directeur général de l’ARS, sur la base d'un dossier détaillé (nécessité de soumettre un projet de santé, déclarations de liens de l'instance dirigeante, contrats éventuels du gestionnaire avec des sociétés tierces). Supprimé en 2009 par la loi Bachelot, cet agrément sera délivré à titre provisoire durant un an. Les centres déjà ouverts devront se conformer à l'obtention d'un agrément dans un délai de six mois, à compter de la promulgation de cette loi.
La loi oblige également les centres concernés à se doter d’un comité dentaire ou ophtalmo, quand ceux-ci emploient plus d’un professionnel médical. Ce comité médical sera chargé de contribuer à la politique d’amélioration de la qualité des soins et à la formation continue des salariés. Composé des médecins du centre, il a vocation à devenir un « contrepoids au pouvoir du gestionnaire ».
Diplômes et contrats de travail épluchés
Le surveillance financière sera renforcée. Les gestionnaires des centres auront l'obligation de certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes, sous peine de sanctions (doublement du montant de l’amende administrative et de son astreinte).
À noter que l’agrément par l'ARS sera conditionné à la transmission des diplômes et contrats de travail des soignants embauchés (chirurgiens-dentistes, assistants dentaires, ophtalmologistes et orthoptistes). L'interdiction de la publicité pour les centres de santé a aussi été élargie.
Avant même l'adoption du texte, la Mutualité française, elle-même organisme gestionnaire, avait fait part de ses critiques face à un texte risquant de « pénaliser » les centres vertueux sans avoir d’impact sur les centres déviants. « Plutôt que d’entraver l’activité de tous les centres de santé, à rebours de l’objectif initial, il eût été préférable de renforcer les conditions d’exercice des centres de santé vertueux, en soutenant le développement de leurs missions d’intérêt public et en assurant la soutenabilité de leur modèle économique », souligne début mai la fédération dans une tribune collective. Et plutôt que de « complexifier » le fonctionnement des centres, il serait préférable de « reconnaître et consolider durablement leur valeur ajoutée en leur apportant les outils et moyens nécessaires à leur activité au service des patients », plaident les signataires, au premier rang desquels Éric Chenut, président de la Mutualité.
Enquête sur la gestion financière des centres Cosem
Cet encadrement législatif semble toutefois tomber à point nommé, dans un contexte de nouvelle affaire impliquant des centres de santé. Le parquet de Paris vient d’ouvrir une enquête sur la gestion financière des centres Cosem, une association regroupant une quinzaine de centres de santé et financée par des fonds publics. Les investigations ont été confiées à la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE), après deux signalements à la justice.
Les élus du CSE soupçonnent en particulier les dirigeants (un père, directeur général, et ses deux fils) d'appauvrir le Cosem « afin de servir leurs intérêts privés » et redoutent des conséquences sur les emplois. Ils dénoncent des salaires exorbitants versés au père et à ses fils, des emplois fictifs de leurs épouses et des notes de frais disproportionnées – plus de 285 000 euros pour trois personnes en 2021.
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