L'enquête d'APH et de Jeunes médecins montre, chiffres et témoignages à l'appui, une série de discriminations envers les femmes, à l'hôpital mais aussi dans leur vie personnelle.
• Temps de travail et de repos : une gestion genrée
Si 83 % des médecins interrogés exercent à temps plein (94 % pour les hommes, 78 % pour les femmes), les raisons du recours au temps partiel montrent une implication différente d'un sexe à l'autre : 69 % des femmes ont fait ce choix pour s'occuper de leurs enfants, contre 15 % des hommes.
L'utilisation du repos de sécurité, obligatoire, met en lumière des différences dans la gestion du temps libre de chaque PH. Au sortir de leur garde, 38 % des médecins s'acquittent de tâches domestiques (42 % de femmes mais… 19 % d'hommes), 22 % se reposent et 13 % s'occupent des enfants (14 % des femmes, 6 % des hommes).
• Carrière : le sexisme à l'œuvre
La gestion de la carrière oblige tous les PH à jouer les funambules entre vie professionnelle et vie privée. Par manque de temps, désintérêt ou renoncement, 34 % de femmes seulement assument des responsabilités institutionnelles (présidence de CME, chef de service, chef de pôle) contre 52 % des hommes.
Parfois, le pouvoir et le copinage prennent le pas sur le genre. Cette femme n'a pas obtenu un poste hospitalo-universitaire « par manque de soutien pour des raisons politiques ». Cet autre médecin voulait piloter un service. Mais « être chef de service en étant une femme jeune non universitaire n'est pas une position simple à défendre dans un CHU ».
Mais le sexisme refait souvent surface. Ce médecin candidatait à un poste de PH en centre anticancéreux. Refus. La raison : « J'étais une femme qui allait faire des enfants et souhaitait un 80 % ». Pour une autre, son statut de mère célibataire lui a coûté son poste. « On m'a laissé de côté pour le poste de PU car j'étais une femme », raconte aussi cette chef de clinique. « Les femmes sont probablement déconsidérées dans ce métier » assène cette dernière, qui a trouvé un « PU-PH homme à [s]on écoute au bout de 20 ans de carrière ». En tout état de cause, 69 % des femmes déclarent qu'elles auraient probablement fait une carrière différente si elles étaient nées hommes.
• Maladie : inégalités face au burn-out
Les médecins ne tombent pas malades, du moins le prétendent-ils. 81 % ne se sont pas arrêtés en 2018, même si parmi eux, 32 % avouent avoir été malades. Mais hommes et femmes ne sont pas égaux face au burn-out : 46 % des hommes disent souffrir régulièrement d'épuisement professionnel contre 58 % des femmes.
Invitées à décrire le motif de leur arrêt de travail, 41 des 112 femmes à avoir pris la plume évoquent un burn-out « sévère », un « stress d'origine professionnel », une « souffrance au travail », une « dépression » liée au travail, un « surmenage ».
• Grossesse : une femme sur trois victime de discrimination
L'enquête dévoile les dysfonctionnements réglementaires sur l'accès aux congés maternité et, en miroir, une certaine crainte des médecins à tomber enceinte. 169 femmes n'ont pas bénéficié des congés réglementaires, soit 10 % des personnes ayant eu des enfants : 41 % parce que le statut de l'époque ne le permettait pas, 35 % pour ne pas « perdre une perspective de carrière » et 28 % en raison de « la pression ressentie à l'intérieur du service ».
Dans une moindre mesure, 18 % indiquent qu'elles ne souhaitaient pas perdre de revenus. 5 % n'en avaient tout simplement pas envie. L'arrêt des gardes au troisième mois est une autre anomalie : 13 % des femmes n'ont pas osé lever le pied ou en ont été empêchées par leur hiérarchie (14 % d'entre elles ne l'ont pas estimé nécessaire).
Si plus de la moitié des femmes (56 %) jugent que la grossesse n'a pas pénalisé leur carrière, 29 % pensent le contraire. Une femme sur trois écrit noir sur blanc avoir ressenti une « attitude discriminatoire » à son endroit liée à sa grossesse.
• Le ménage et le linge, une affaire de femmes
L'impact de la vie familiale sur la carrière est plus prégnant pour les femmes. Elles sont 41 % à être passées à temps partiel ou réduit en raison de leur charge familiale, contre 8 % seulement des hommes. À l’inverse, un homme sur deux a renoncé à une carrière universitaire pour sa famille contre 30 % des femmes ; mais ces dernières candidatent beaucoup moins au regard de l'image masculine que renvoie le monde hospitalo-universitaire.
Quand elles ne sont pas déléguées à un employé, les activités domestiques restent très féminines – les hommes médecins en conviennent. Le ménage ? 32 % des femmes sondées disent l'assumer contre 10 % des hommes. Le linge ? 70 % des femmes s'en chargent. Les hommes sont 14 % à s'en préoccuper.
• Formation
C'est l'un des points les plus discriminants de l'enquête. S'ils étaient totalement dégagés des contraintes familiales, 43 % des médecins se seraient davantage formés. Mais on retrouve un écart de 16 points entre les hommes (33 %) et les femmes (49 %). Une forme de frustration professionnelle se perçoit également dans le fait que, sans la charge mentale personnelle, 25 % des femmes auraient aimé travailler plus. C'est le cas de 18 % d'hommes uniquement.
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