« J’étais effondrée, je me suis dit : “j’ai un cancer du sein, il y a des nodules, je vais mourir”. À deux reprises le médecin m’a dit : “vous allez guérir”. Ça m’a portée et donné beaucoup de motivation ». À l’image de ce témoignage issu d’une enquête nationale réalisée par Harris Interactive pour AstraZeneca, 90 % des patients affirment qu’entendre l’équipe soignante parler « d’espoir de guérison » aide à accepter la maladie. Si 91 % des soignants en ont conscience, 75 % d’entre eux disent rester prudents, par crainte de donner de faux espoirs face à l’imprévisibilité de la maladie.
L’importance de soutenir l’espoir dans la lutte contre le cancer a fait l’objet d’une réunion nationale les 2 et 3 février derniers organisée par AstraZeneca et son comité de réflexion pluridisciplinaire « Espoir de guérison », nouvellement créé. « L’innovation dans les traitements bouleverse l’approche du cancer. Cela remet en question l’idée qu’il s’agit d’une maladie métastatique et incurable, pour laquelle le mieux qu’on puisse faire est de bloquer la maladie le plus longtemps possible », explique au Quotidien le Pr Benoît You, oncologue médical (Institut de cancérologie des Hospices civils de Lyon) et membre du comité de réflexion.
« Des thérapeutiques permettent de contrôler le cancer même au stade métastatique et offrent au patient une rémission complète, avec un scanner qui n’en porte plus trace, et ceci pendant des années. Comme si on l’avait éliminé », poursuit-il. « Certaines de mes patientes souffrant d’un cancer du sein, après quatre ans de traitement, me demandent de l’arrêter. Je n’ai pas de données à leur opposer. Plusieurs d’entre elles ont toujours un scanner en rémission complète. Peut-être qu’on va pouvoir guérir certaines maladies métastatiques », témoigne-t-il.
En outre, les nouveaux traitements, plus ciblés, altèrent moins la qualité de vie des patients, qui de plus bénéficient d’une offre de soins de support qui s’étoffe.
« Ne pas donner de faux espoirs est le leitmotiv des oncologues. Jusqu’ici le dogme était : “on ne peut pas guérir le cancer”. Mais les progrès thérapeutiques nous invitent à changer de paradigme », résume le Pr You.
Médecins et patients ne donnent pas le même sens au mot guérison
Pr Benoît You, oncologue médical, Hospices civils de Lyon
Écouter les attentes du patient
« L’incertitude est inhérente à l’oncologie : est-ce que le traitement va marcher ? Vais-je rester en rémission ? L’espoir permet de supporter cette incertitude, c’en est le meilleur antidote », assure Yves Libert, psycho-oncologue à l’hôpital universitaire de Bruxelles, également membre du comité de réflexion.
Et d’indiquer deux principes pour que l’espoir soit salutaire : qu’il soit en phase avec la situation du patient, réaliste, et qu’il soit orienté par ses valeurs et désirs, non ceux des soignants. « Il faut prendre le temps de s’assurer que le patient a compris la situation dans laquelle il se trouve. Et écouter ce sur quoi il concentre son espoir, ce qu’il juge important : vivre dans la dignité, être auprès de ses proches… », commente-t-il.
« Médecins et patients ne donnent pas le même sens au mot guérison », reconnaît le Pr You. « Pour le soignant, cela signifie appliquer un traitement qui éliminerait la maladie et restaurerait une espérance de vie similaire à ce qu’elle aurait été sans maladie. Les patients nous disent autre chose. Qu’ils veulent vivre bien, encore un moment, même avec la maladie ». Si bien que lorsqu’un malade lui demande s’il va « guérir », le Pr You lui demande : « Qu’entendez-vous par guérison ? »
L’espoir n’est-il pas mis en échec dans certaines situations en apparence désespérées ? « Il est d’autant plus important ! Il n’y aurait aucun sens à ce que les soins palliatifs y renoncent. Il se travaille en discutant avec le patient de ce qui est le plus important pour lui et en trouvant les ressources pour le réaliser. Dire au revoir, ne pas souffrir, faire famille… Il y a autant d’espoirs que de patients », analyse Yves Libert. « Jusqu’au bout la personne peut mener à bien de petits projets et mourir sereinement », confirme le Pr You.
Besoin de formation et de temps
Nourrir un espoir authentique et crédible demande néanmoins du temps. « Il faut livrer l’information médicale puis comprendre comment le patient appréhende les choses, tout en s’adaptant à ses réactions et ses besoins. Nos temps de consultation ne sont pas adaptés », regrette le Pr You. Sans compter que parfois le désespoir est tel que l’acceptation nécessite un véritable accompagnement.
« Ce manque de temps est une pression infernale. Il faut se battre contre ça, et aider les médecins à gagner du temps là où c’est possible : ne pas donner un cours de médecine aux patients, mais cibler ce qui peut leur parler et le dire clairement… », avance Yves Libert. D’où un besoin de formation. En Belgique, 30 heures sont consacrées à la communication et à la psychologie médicale. « Les jeux de rôle sont les plus efficaces, pas les cours magistraux », précise-t-il. En France, ces enseignements sont pour l’heure optionnels.
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