Le point de vue de Caroline Fiat *

Ne regardons pas la Covid par le petit trou de la Sécu !

Publié le 14/05/2021
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La pandémie n'est pas la seule responsable du déficit actuel, assure cette insoumise, spécialiste pour son parti des sujets de santé. Cette élue de l'Est dénonce les ponctions de l'État sur les finances des caisses et une politique « austéritaire ». Et elle réclame un audit sur la gestion de la dette sociale par la CADES. Pour elle la crise du Covid impose de changer de cap, quitte à « ponctionner les profiteurs de crise » et à mettre fin aux exonérations de cotisations.

Crédit photo : S. Toubon

Avec la crise de la Covid-19, de nombreuses recettes de la Sécurité sociale ont fondu du fait de la baisse d’activité et des reports de cotisations. Dans le même temps, les dépenses sociales se sont accrues. Le déficit a ainsi brutalement atteint en 2020 un niveau historique de 38,6 milliards d’euros contre 1,9 milliard en 2019, essentiellement dû à l’Assurance Maladie.

Mais ce nouveau « trou » ne serait pas si dramatique s’il ne s’inscrivait dans une politique d’affaiblissement de notre Sécurité sociale menée depuis des décennies qui en réduit à la fois recettes et dépenses. Sous le mandat d’Emmanuel Macron, citons, du côté des recettes, le doublement des allègements de cotisations sociales, passées de 20 à 40 milliards en 2019, la désocialisation des heures supplémentaires et la suppression du forfait social non compensées par l’État. Du côté des dépenses, citons les économies réalisées sur l’Assurance Maladie qui s’élevèrent en moyenne chaque année à 4 milliards d’euros dont 800 millions pour nos hôpitaux.

La qualité des soins menacée par la « politique des caisses vides »

Cette « politique des caisses vides » consiste à générer du déficit pour ensuite justifier une réforme austéritaire, au nom de la bonne gestion. Ce choix creuse toujours davantage les inégalités, conduit à l’exacerbation des tensions et génère à l’hôpital une explosion des arrêts de travail et des démissions, un turn over infernal, la destruction des équipes hospitalières, des rappels incessants sur les jours de congé, le tout menaçant in fine la qualité des soins.

Ajoutons que les déficits de la Sécurité sociale ne sont pas remboursés par les cotisations sociales mais par deux impôts très peu progressifs - la CRDS et la CSG - via la CADES (caisse d’amortissement de la dette sociale) crée en 1996. En outre, plus d’un quart de ses recettes servent les intérêts des créanciers, lesquels spéculent dans la plus grande opacité. Cette caisse a donc grandement participé à la fragilisation de notre modèle social.

Voilà le contexte historique dans lequel nous avons vu la vague de la Covid arriver. Dans la foulée, au printemps dernier, Emmanuel Macron promettait des décisions de rupture : « Mes chers compatriotes, nous retrouverons les Jours Heureux. (…) Sachons, dans ce moment, sortir des sentiers battus, des idéologies, nous réinventer. Et moi le premier. »

La crise sanitaire doit être l'occasion d'une bifurcation

Derrière des discours révolutionnaires, ses manœuvres demeurent les mêmes : réduction des cotisations sociales, nouvelles économies imposées à l’Assurance Maladie pour 2021 malgré le plan Ségur, projet de réforme du chômage qui coûterait 2,3 milliards d’euros aux plus précaires, nouveaux transferts de fonds (inédits) vers la CADES à hauteur de 136 milliards d’euros, etc. Et pour faire passer la pilule, création d’une 5e branche pour la perte d’autonomie mais sans financement supplémentaire alors que les besoins sont criants. Le gouvernement accroît les inégalités, aux antipodes de la politique de redistribution des richesses, instaurée par nos aînés.

Pourtant, la crise de la Covid pourrait être l’occasion d’une bifurcation. Nous pourrions faire le choix d’une Sécurité sociale forte avec une assise fiscale solide et redistributive. Il est parfaitement possible et souhaitable de ponctionner les profiteurs de crise et de mettre fin aux exonérations de cotisations non compensées par l’État. Nous pourrions réaliser un audit citoyen sur la gestion de la dette sociale par la CADES. Une dette illégitime doit pouvoir être annulée en totalité ou en partie si elle ne sert pas l’intérêt général.

Le FMI, l’ONU, les États-Unis voient leur idéologie vaciller et commencent à envisager d’autres voies plus sociales. Il est plus que temps de renouer avec les principes fondateurs de la Sécurité sociale « De chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins » !

* Député La France Insoumise (LFI) de Meurthe-et-Moselle,
aide-soignante

 


Source : Le Quotidien du médecin