Le point de vue d'Alain Milon*

L'occasion de repenser les modèles, anticiper les adaptations et restructurer les organisations

Publié le 14/05/2021
Article réservé aux abonnés

Pour ce médecin généraliste, spécialiste des questions sociales et de santé au Sénat, compte tenu de l'importance des déficits, le retour à l'équilibre ne peut s'envisager que sur le long terme. Mais la crise actuelle doit être l'occasion de changer les règles de fonctionnement du système, sur le financement, sur l'organisation et sur la gouvernance.

La crise de la Covid a eu et aura un impact considérable sur le financement de la sécurité sociale. Les prévisions gouvernementales pour 2021 pour le régime général et le fonds de solidarité vieillesse s’élèvent à 35,7 milliards d’euros soit un déficit cumulé de 72 milliards d’euro, équivalent à 3,3 % du PIB.

Le rétablissement des comptes s’inscrit sur le long terme et ne pourra qu’être progressif, sans compter sur l’incertitude du résultat consolidé de cette année qui risque d’être encore plus déficitaire eu égard aux effets de cette crise qui obère toute perspective fiable.

Par-delà la situation critique actuelle, toute crise doit permettre de repenser les modèles, anticiper les adaptations futures, restructurer les organisations. Cela oblige à définir une stratégie.

Ainsi, sur le financement de ce système, différentes mesures peuvent être envisagées :

· Création d’un organisme central de collecte des différents types de financement : cotisations patronales, CSG, taxations diverses, cotisations payées par nos concitoyens aux différents organismes d’assurance maladie, mutuelles comprises ;

· Création d’une assurance maladie universelle qui prendrait tout en charge et qui redistribuerait les excédents aux cotisants ou augmenterait les cotisations pour éviter des emprunts qui pénalisent les générations suivantes, tout cela sous le contrôle du parlement.

En ce qui concerne les dépenses, un renforcement de la lutte contre les fraudes sociales de toutes sortes peut être un outil pertinent en :

· Permettant aux caisses de retraite de vérifier régulièrement si leurs ayants droit sont toujours en vie,

· Intensifiant la lutte contre les examens redondants ou ceux facturés sans diagnostic,

· Étant plus directif dans l’utilisation des biosimilaires et des génériques,

· Favorisant la téléconsultation.

Une plus grande coordination favoriserait les économies d'échelle

Repenser l’organisation sur le territoire de notre système de santé constitue également un enjeu important. Ainsi, les ARS pourraient être contrôlées par un conseil d’administration présidé par le président du Conseil régional. La mise en place d’un ORDAM financé par la région en fonction des demandes faites par celle-ci pourrait être mis en place.

Pour les hôpitaux, il convient de prendre des mesures pour améliorer les conditions d’exercice des personnels soignants comme la suppression des pôles au profit des services, avec la possibilité pour les personnels de se spécialiser dans le service concerné. En l’espèce, également, le conseil d’administration présidé par l’élu local pourrait retrouver tout son intérêt. Il faut aussi donner à nouveau du pouvoir au corps médical associé au pouvoir de direction, et proposer un financement plus adapté aux missions de l’hôpital tenant compte en particulier des patientèles en difficulté.

En outre, il pourrait être proposé aux hôpitaux volontaires de changer de statut et de prendre celui des ESPICS tout en permettant au personnel de choisir leur statut.

Il est nécessaire également, c’est une proposition que je fais depuis 2010, de ne plus faire payer par la santé les investissements immobiliers hospitaliers. La CADES ne doit pas supporter la reprise partielle de la dette des hôpitaux.

Il est impératif de développer et renforcer la prévention. Une politique de prévention efficiente diminue les pertes de recettes et l’augmentation des dépenses.

Il faut redonner toute sa place et son rôle à la médecine libérale, acteur indispensable dans le fonctionnement de notre système de santé.

Une plus grande coordination favoriserait la synergie et des économies d’échelle. La crise sanitaire actuelle témoigne de la nécessité de s’appuyer sur tous les intervenants, hospitaliers, publics privés et libéraux.

Ces propositions sont autant de pistes de réflexions pour parvenir, à terme, à juguler le déficit abyssal de la sécurité sociale en rendant notre système de santé encore plus efficient, sans augmenter la charge fiscale. L’importance de ce déficit doit servir de détonateur pour mettre en œuvre des réformes de fond, indispensables, urgentes et au final bénéfiques.

* Sénateur du Vaucluse, Vice-président de la commission des Affaires sociales

Source : Le Quotidien du médecin