LE QUOTIDIEN : Comment avez-vous commencé à travailler sur les transferts de tâches ?
YVON BERLAND : Cela a commencé en 2002 : le ministre de la Santé Jean-François Mattei m’a demandé de faire un rapport sur la démographie des professionnels de santé, et il m’est alors apparu qu’on ne pouvait pas continuer à faire du tout-médecin. Ça n’a pas de sens d’avoir des professionnels qui ont fait jusqu’à 14 années d’études occupés à faire des tâches qui ne nécessitent pas toutes ces années de formation. Entre 2002 et 2011, j’ai donc fait plusieurs rapports sur le sujet.
Estimez-vous aujourd’hui que vos efforts ont porté leurs fruits ?
Je me sens conforté après toutes ces années de bataille. J’ai notamment été très heureux de voir apparaître les IPA : ce sont des professionnels non-médecins qui pourront avoir des actes de diagnostic et de prescription jusqu’ici réservés aux médecins. Tout cela prend son envol, et je me réjouis que de nouveaux domaines soient évoqués pour les IPA, notamment avec les urgences.
Comprenez-vous les réticences de certains médecins à propos des transferts de tâches ?
Je ne les comprends pas, mais je sais qu’elles sont anciennes. Je me souviens qu’en 2003 déjà, j’avais fait une présentation sur le sujet devant le Conseil national de l’Ordre des médecins, et que je m’étais fait massacrer. Heureusement, je constate que les jeunes générations de médecins sont beaucoup moins réticentes : elles ont davantage envie de collaboration.
D’où viennent, selon vous, les résistances de ceux qui critiquent les délégations ?
Certains considèrent qu’elles peuvent impacter leur activité. Mais je suis convaincu qu’à terme, elles vont permettre aux médecins de se recaler sur des actes qui relèvent davantage de leur responsabilité, et qui correspondent mieux à leurs longues années de formation. Bien sûr, la question de la valorisation de ces actes doit être discutée.
Quelles sont selon vous les prochaines étapes ?
Nous sommes au début d’une histoire qu’il faut continuer à écrire. En matière de pratiques avancées, on peut, par exemple, penser à une extension au domaine des soins aux personnes âgées, qui n’est peut-être pas encore assez investi. Certaines tâches actuellement exercées par les gériatres pourraient, par exemple, être déléguées. Et le gériatre pourrait s’occuper de choses complexes que lui seul est en capacité de prendre en charge.
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« On ne peut pas continuer à faire du tout-médecin »