LE 1er JANVIER 2005, alors que le dispositif était en vigueur depuis à peine un an, 222 médecins seulement avaient fait le choix du cumul emploi-retraite, ouvert aux praticiens libéraux par la loi Fillon d’août 2003 (mais techniquement possible à partir du printemps 2004 seulement). Six ans plus tard, 4 457 médecins sont cumulards. Ce sont des hommes à une écrasante majorité (83 %, pyramide professionnelle des âges oblige), dont une très forte cohorte de généralistes (1 300 l’été dernier), suivis par des psychiatres, des cardiologues, des pédiatres, des radiologues… (voir graphique).
Si l’on en croit les chiffres de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), la formule a décollé il y a deux ans (voir courbe), sous l’effet du déplafonnement du cumul retraite-activité libérale puis de la progressivité des cotisations ASV (allocation supplémentaire vieillesse), grâce à laquelle elle est devenue accessible aux bas revenus. Étudiant de près les retraites versées aux médecins cumulards, la CARMF constate que dans 72 % des cas, celles-ci sont supérieures à la moyenne, ce qui la conduit à dire que « c’est davantage par choix que par nécessité que les retraités choisissent le cumul ». Géographiquement, les retraités qui choisissent de conserver une activité se situent essentiellement en Ile-de-France (quelque 1 400 cumulards y sont répertoriés) et en Provence-Alpes-Côte d’Azur (500 candidats au cumul). Deux régions qui ne se superposent pas franchement aux déserts médicaux français dont le « repeuplement » était pourtant un argument des pouvoirs publics en faveur du cumul. Quant à l’âge déclencheur de l’entrée dans le dispositif, il se situe, relève la CARMF, très majoritairement après 65 ans – 8,7 % seulement des cumulards ont moins de 65 ans. À la CARMF, on observe que c’est grâce aux médecins exerçant en cumul emploi-retraite que le nombre de cotisants continue d’augmenter – sans eux, étant donné la démographie médicale, il baisserait.
Témoignage.
Le Dr Daniel Duros est ophtalmologue à Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines. Il a pris sa retraite en 2007 en même temps que le parti de continuer à travailler à mi-temps. Depuis, progressivement, il a levé le pied. « J’ai largement minoré mon activité, explique-t-il. Je n’exerce plus que deux jours pleins et deux matinées par semaine, ceci trois semaines par mois. » Il ne regrette pas son choix même s’il estime que celui-ci ne s’offre pas à tout le monde de la même façon : « Cela suppose un équilibre. Il faut travailler suffisamment pour payer les frais fixes du cabinet » (dans le sien, ils sont deux médecins et emploient deux secrétaires). S’il n’était pas en secteur II, l’opération serait impensable, estime le Dr Duros. Ses patients savent-ils qu’il est cumulard ? « Je ne le crie pas sur les toits, mais certains me demandent si je vais bientôt m’arrêter. Alors je leur demande s’ils me trouvent cacochyme ! »
Cumulard « heureux », selon ses propres termes, Daniel Duros aimerait toutefois que deux choses changent. Le niveau de cotisations que lui demande la CARMF, qu’il voudrait voir baisser ou, à tout le moins, assorti d’avantages le jour où il prendra vraiment sa retraite (pourquoi pas sous forme de points). Et puis le « regard bien franchouillard » porté sur les gens qui travaillent au-delà de 65 ans. Pas question, jure l’ophtalmologue, de « battre sa coulpe » pour ça !
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