LE QUOTIDIEN - Connaît-on le nombre d’erreurs médicales par an en France ?
MICHEL DUPUYDAUBY - La mortalité par accidents de la route fait l’objet d’une comptabilité précise. Ce n’est pas le cas en médecine. À quel niveau situer l’erreur médicale ? Quand il existe plusieurs méthodes pour soigner, le médecin a-t-il fait le bon choix ? C’est difficile à dire. Ce que l’on peut mesurer, c’est le nombre de sinistres déclarés. C’est la partie émergée de l’iceberg dont on ne connaît pas la taille. Si l’on extrapole les chiffres de la MACSF à l’ensemble du marché, on peut parler de 15 000 erreurs médicales par an donnant lieu à une déclaration. La dimension réelle du phénomène est beaucoup plus importante que cela : on peut estimer à 50 000 le nombre d’erreurs médicales par an (hors infections nosocomiales et affaires particulières type Mediator). Les cas les plus fréquents concernent les disciplines sanglantes (chirurgie, obstétrique, anesthésie réanimation), mais aucune discipline n’en est exempte. Les erreurs concernent aussi la médecine générale et les paramédicaux, les chirurgiens dentistes et les infirmiers pour lesquels nous avons beaucoup de déclarations.
Quel est l’objectif de ce nouveau congrès de la Prévention médicale ?
Nous voulons cerner ce problème de l’erreur médicale, en définir le périmètre, le quantifier, et faire émerger une discussion autour de cette question. Les conséquences des erreurs médicales sont multiples. Il y a le dommage corporel pour le patient, avec différents niveaux de gravité. L’incidence est également économique : la Sécurité sociale va devoir payer pour réparer l’erreur, et les primes d’assurance des médecins vont augmenter. L’erreur médicale représente quelques pourcents des dépenses de santé, soit quelques milliards d’euros. L’enjeu est important. La relation entre le médecin et le patient est en jeu. Une médecine qui fait des efforts pour lutter contre l’erreur apparaît tout de suite plus sympathique. Notre objectif est de restaurer le dialogue entre professionnels et patients, et de rendre la médecine plus sûre.
L’erreur reste-t-elle taboue chez les praticiens ?
Certains ont peur d’aborder le sujet à cause du regard des pairs et des patients. Cela se traduit parfois par une aggravation de l’état du patient, alors même qu’une prise en charge rapide pourrait améliorer la situation. L’objectif du colloque est de libérer la parole. Nous voulons apporter aux professionnels une vision complète de l’état de l’art en matière de sécurité des soins. L’idée, c’est aussi de rendre publics leurs efforts en matière de lutte contre les erreurs. C’est important que le sujet soit vu du côté de l’offreur de soins. Sinon, seules sont entendues les voix des associations de victimes qui réclament, et des pouvoirs publics qui imposent. Nous changeons de braquet après l’accumulation de plusieurs affaires - les irradiés, le Mediator... La France a fait d’énormes efforts depuis 20 ans pour maîtriser le risque sur la route. L’idée est d’inciter les pouvoirs publics à se focaliser sur les erreurs médicales, qui méritent de devenir une grande cause nationale.
* Le 3e congrès de la Prévention médicale se tiendra au CNIT, à la Défense, les 26 et 27 janvier. Programme et inscriptions sur www.congres-prevention-medicale.org
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