Installé dans la salle d’attente d’un centre de soins non programmés de la région parisienne, Antoine s’est vu sommé d’appeler le 15 avant de consulter. Selon le personnel d’accueil, la mesure sert à « réguler » l’accès au centre, comme dans un service d’urgence engorgé. La différence, c’est que seules quatre personnes patientent ce jour-là. On est donc loin de la saturation…
Même s’il est artificiel, ce coup de fil préalable au 15 par le patient depuis la salle d’attente du centre permet au cabinet de « justifier » la facturation de majorations confortables aux horaires de PDSA (nuit, dimanche, jour férié), en plus du tarif de base. Un pied de nez à l’Assurance-maladie qui, dans la convention, avec seulement 5 euros de bonus pour des consultations non régulées par le 15 et hors urgences, avait voulu serrer la vis tarifaire, inquiète de l’explosion du coût des consultations majorées de soir et de week-end dans les centres de soins non programmés ou immédiats (+ 47 % entre 2021 et 2022).
Un phénomène non négligeable
En l’occurrence, la Cnam voit d’un très mauvais œil les stratagèmes des centres qui font appeler le 15 à leurs patients. Selon les informations du Quotidien, de nombreuses structures appliquent cette stratégie. Certains centres à horaires élargis sont allés jusqu’à mettre à jour leurs bornes installées en salle d’attente, comme le réseau 7/7, permettant d’enregistrer l’appel au 15 « en guise de preuve en cas de contrôle », ou à majorer les consultations en cas « d’urgence ressentie » par le patient.
L’Assurance-maladie pointe des « manœuvres ayant pour objectif de contourner [la priorisation des soins urgents] que nous avons actée avec les représentants des médecins ». Et assure qu’elle mettra en œuvre tous les moyens à sa disposition pour « faire cesser » ces pratiques. Mais si elle admet avoir eu des remontées de cas de centres contournant les règles, elle ne souhaite préciser ni leur nombre, ni les décisions prises. Un agent de la Sécu, sous couvert d’anonymat, affirme au Quotidien que certains centres utilisent ces majorations pour en faire un « modèle économique ». Plusieurs signalements ont été faits auprès de l’Ordre des médecins pour des abus dans sa région. Les chiffres de cotation de janvier sont attendus « pour savoir lesquels des centres jouent le jeu ou non ». « Car quand on cote 80 % de ses patients en urgence, on n’est plus un centre à horaires élargis mais un service d’urgence », soupire-t-il.
L’affaire a pris une telle ampleur que certaines autorités craignent localement la saturation des appels au 15. « Nous avons dû entamer une discussion avec les gérants d’un centre de soins non programmés de Poitiers après qu’on nous a remonté de nombreux appels depuis les salles d’attente », confirme le Pr Olivier Mimoz, chef des urgences et du Samu au CHU de Poitiers. D’autant que les opérateurs qui prennent les appels sont démunis. « On n’a pas vraiment le choix, c’est difficile de dire à un patient déjà en salle d’attente que non, il ne peut pas consulter tout de suite », explique le médecin. Une situation qui donne de l’eau au moulin des détracteurs historiques de ces centres.
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