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Dossier

Un module obligatoire pour les étudiants en santé

Avec le service sanitaire, la prévention prend du galon

Par Sophie Martos - Publié le 01/03/2018
Avec le service sanitaire, la prévention prend du galon

Service sanitaire
S. Martos

Promesse du candidat Macron, le service sanitaire sort de terre au printemps.

Après une phase expérimentale dans quatre territoires précurseurs (Angers, Clermont-Ferrand, Caen et Dunkerque), de mars à juin, le déploiement à grande échelle est programmé dès la rentrée 2018. Plus de 47 000 étudiants en santé (médecine, pharmacie, odontologie, maïeutique, kinésithérapie et soins infirmiers) seront concernés par ce module obligatoire dans leur cursus pour l'obtention du diplôme. Le service sanitaire sera élargi aux autres filières santé (orthophonistes, ergothérapeutes, psychomotriciens, audioprothésistes, diététiciens…) dès 2019. Le gouvernement, qui a détaillé la réforme à Angers lundi dernier, s'enorgueillit d'une « première en Europe ».

Comportements à risques

En pratique, les étudiants conduiront des missions de prévention dans les écoles, collèges, lycées, entreprises, maisons de retraite et autres « lieux de vie », le plus souvent sous forme collective. D'autres terrains de stages sont mentionnés tels que les centres d'hébergements et de réinsertion, les lieux de privation de liberté ou encore les associations. Agnès Buzyn veut croire que ces étudiants deviendront des « ambassadeurs de santé » même si le service sanitaire n'a pas vocation à se substituer aux acteurs déjà impliqués dans la prévention ni à pallier les difficultés rencontrées dans les déserts médicaux.

En écho à la stratégie nationale de santé, plusieurs thématiques « prioritaires » ont été privilégiées : l'activité physique et sportive, les addictions (tabac, alcool et drogues), la nutrition ainsi que la santé affective et sexuelle. D'autres s'ajouteront comme la sensibilisation à la vaccination, certains dépistages, les troubles du sommeil, les écrans, l'hygiène bucco-dentaire ou les gestes qui sauvent. « La fréquence des comportements à risque reste élevée en France », particulièrement chez les jeunes et parmi les publics les plus fragiles socialement, ont rappelé les deux ministres, Agnès Buzyn (Santé) et Frédérique Vidal (Enseignement supérieur), en présentant la réforme.

Un coût de 7 millions d'euros ?

Schématiquement, le service sanitaire comprend trois phases : une formation théorique et pratique des étudiants, l'intervention de prévention auprès du public ciblé puis un débriefing et une évaluation.

Contrairement à la promesse du candidat Macron, il ne s'agit pas d'un « service sanitaire de trois mois » mais de trois mois à mi-temps (six semaines à temps plein ou 60 demi-journées). Aux facultés de s'organiser au mieux face à ce défi logistique, administratif, pédagogique et humain. Dans un premier temps, les collèges, lycées et universités semblent les terrains de stage les plus naturels. Quant à la période idéale d'insertion du service sanitaire dans le cursus, ce sera la troisième année pour les futurs médecins (fin du premier cycle).   

Côté financier, les deux ministres confirment au « Quotidien » qu'elles veilleront à ce que « le défraiement soit pris en charge » pour les déplacements des étudiants. Le rapport du Pr Loïc Vaillant, PU-PH en dermatologie et pilote de la mission préparatoire, évoque des indemnités kilométriques de 130 euros par mois. Dans les zones éloignées, un forfait d'aide au transport ou à l'hébergement de 200 euros est envisagé. Sur ces bases, un budget de 6,75 millions d'euros (dont 1,22 million pour la filière médecine) pourrait être nécessaire. Pas question de prévoir une gratification exceptionnelle au titre de ce service sanitaire.   

Agenda serré

Quatre expérimentations débutent, qui prolongent des initiatives existantes. À Angers (lire ci-contre), des étudiants en santé animent depuis deux ans des séances sur la sexualité et les addictions à des groupes de 10 à 15 collégiens ou lycéens. À Clermont-Ferrand, le même modèle existe avec des thématiques au choix des jeunes (l'hygiène bucco-dentaire par exemple). À Dunkerque, les étudiants en soins infirmiers travaillent avec des enfants du primaire sur le thème de l'alimentation. À Caen, les carabins effectuent des maraudes en faveur de publics précaires.

Autonomie, engagement, découverte : les retours sont encourageants. « J'ai découvert un univers autour du soin qui ne s'apprend pas dans les livres, témoigne Jesse Robert, étudiant en 5e année de médecine à Caen. J'ai aussi une meilleure compréhension de la couverture sociale ».

Mais comme le souligne le Pr Vaillant, « le rétroplanning est très serré ». C'est la contrainte majeure de cette réforme à grande échelle : d'ici à quatre mois, les aménagements pédagogiques de chaque filière santé devront être bouclés. Il faudra trouver des terrains de stages à la hauteur des espoirs, insiste Yanis Merad, le jeune président des étudiants en médecine (lire page 3). Le tout sans alourdir les cursus santé... Le service sanitaire devra faire ses preuves pour ne pas se transformer en réforme chronophage. 

Sophie Martos