Dans une étude rétrospective ayant porté sur 13 758 patients admis aux urgences avec une douleur sévère, Jesse M. Pines et Judd E. Hollander ont montré que l’attente moyenne était de 28 minutes pour les patients très algiques, et que le délai moyen entre le triage et la première prescription d’un antalgique était de 74 minutes en moyenne (1).
Le choix de l’antalgique dépend de l’intensité de la douleur, de son origine et de son caractère aigu ou chronique, conformément aux recommandations de la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar) et de la Société française de médecine d’urgence (SFMU). Celles-ci proposent un algorithme selon lequel les douleurs faibles à modérées doivent être traitées par des antalgiques de palier I ou II, seuls ou en association. Le Meopa (mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote) est réservé à la traumatologie légère et aux douleurs induites par les soins. Les douleurs sévères, quant à elles, imposent de recourir d’emblée aux morphiniques intraveineux en titration, seuls ou en analgésie multimodale.
Le méthoxyflurane a été utilisé dès 1960 en Europe et aux États-Unis comme gaz anesthésiant. Il a été retiré du marché en 1974 en raison d’une faible utilisation dans cette indication. À fortes doses, il a été associé à une néphrotoxicité grave liée à la dose et à l’utilisation pendant de longues périodes au cours d’une anesthésie générale.
Il est par ailleurs utilisé en Australie depuis 1993 et en Nouvelle-Zélande depuis 2002 par les services d’urgence en tant qu’analgésique non opioïde d’urgence. Dans ce contexte, il est employé sous forme liquide pour inhalation par vapeur, l’inhalateur étant connu dans ces pays sous la dénomination de green whistle (sifflet vert), du fait de la couleur du dispositif… Il est indiqué en France dans le soulagement d’urgence des douleurs modérées à sévères associées à un traumatisme chez des patients adultes conscients.
Une option thérapeutique utile
Dans l’étude multicentrique randomisée à double insu contre placebo STOP!, qui a porté sur 300 patients traumatisés admis aux urgences, le méthoxyflurane a fait la preuve de son efficacité, le soulagement initial de la douleur étant obtenu en quatre minutes en moyenne (2). Ce produit est donc indiqué en cas de douleurs modérées à sévères associées à un traumatisme, dans le cadre de l’urgence chez l’adulte. Il est contre-indiqué chez les moins de 18 ans.
Une revue de la littérature a confirmé l’efficacité et la rapidité d’action de ce traitement qui ne nécessite pas la pose de voie veineuse périphérique, sa bonne tolérance et la rareté des effets indésirables (3). Bien que le méthoxyflurane soit connu pour être potentiellement néphrotoxique aux doses anesthésiques, celles beaucoup plus faibles utilisées pour le soulagement de la douleur ne sont pas apparues associées à une néphrotoxicité ou à un risque accru d’atteinte rénale. Par comparaison avec les autres analgésiques administrés par voie intraveineuse, intramusculaire ou intranasale, son autoadministration non invasive, sa facilité d’utilisation et son début d’action rapide ont conduit les auteurs à le considérer comme option thérapeutique utile pour la prise en charge des douleurs traumatiques dans le cadre de l’urgence. Il est à noter que l’administration sur plusieurs jours consécutifs n’est pas recommandée, la dose totale administrée par semaine à un patient ne devant pas dépasser 15 mL.
(1) Pines JM, Hollander JE. Emergency department crowding is associated with poor care for patients with severe pain. Ann Emerg Med. 2008;51(1):1-5 (2) Coffey F et al. STOP!: a randomised, double-blind, placebo-controlled study of the efficacy and safety of methoxyflurane for the treatment of acute pain. Emerg Med J. 2014;31(8):613-8 (3) Blair HA, Frampton JE. Methoxyflurane: A review in trauma pain. Clin DrugInvestig. 2016;36(12):1067-73
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