Douleur et sommeil

Une interaction étroite

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Publié le 13/12/2018
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Crédit photo : phanie

Le sommeil est composé de 4 à 6 cycles de 90 à 120 minutes, avec une alternance de sommeil profond et de sommeil paradoxal. Ainsi, au cours du sommeil, nous restons capables de filtrer les informations sensorielles en fonction de leur pertinence pour l’intégrité corporelle et, bien sûr, de la profondeur du sommeil.

La régulation du rythme veille-sommeil a été décrite initialement par Alexander Borbély, de l’université de Zürich, en 1982 (1). Le sommeil résulte de l’effet conjugué d’un processus circadien interne (C) qui module la pression de sommeil en fonction du temps, et d’un processus homéostatique externe (S) qui dépend de la durée de veille ou de sommeil qui précède.

Le processus S fonctionne comme un sablier en fonction du temps passé en sommeil ou en éveil. Il est défini comme le processus de promotion du sommeil : les performances cognitives et l’alerte diminuent alors que la fatigue augmente. Durant le sommeil, le processus S diminue, ce qui fait retomber la pression de sommeil. Le processus C correspond aux variations oscillatoires pendant 24 heures de la propension au sommeil. Il oscille en fonction de l’heure qu’il est sur l’horloge interne, qui suit les indications des signaux extérieurs de jour et de nuit. Il module les seuils qui déterminent le début et la fin des épisodes de sommeil.

Les synchronisateurs extérieurs (lumière, heures de lever et de coucher, activité physique, prise alimentaire, exposition aux écrans…) ont une importance essentielle.

Un facteur de vulnérabilité commun

Au total, un tiers des stimuli douloureux fait l’objet d’une analyse cognitive avant d’interrompre le sommeil. Ainsi, plus d’un patient sur deux ayant un syndrome douloureux chronique a des troubles du sommeil. Réciproquement, le manque de sommeil a un effet hyperalgique. Il revient à l’équipe d’Isabelle Raymond, au centre de recherche du centre hospitalier de l’université de Montréal, d’avoir montré que, chez des grands brûlés, une mauvaise nuit est suivie d’une augmentation de la douleur le jour suivant (2).

Mais les relations entre douleur et sommeil ne peuvent à elles seules expliquer les troubles du sommeil des patients douloureux chroniques, puisque pour 20 à 30 % d’entre eux l’incidence de la douleur sur leur sommeil est faible. Il existe donc un facteur de vulnérabilité commun. Si les preuves directes de son existence font encore défaut, des éléments cliniques indirects plaident en sa faveur.

A titre d’exemple, il existe une association étroite entre sommeil et risque de syndrome fibromyalgique. Une méta-analyse très récente, ayant porté sur 2086 patients issus de 7 études, a mis en évidence que chez ces patients le sommeil, plus court et peu profond, n’est pas réparateur, les analyses objectives ayant montré une moindre efficacité du sommeil (3).

Sur le plan thérapeutique, en cas de douleur aiguë, un antalgique et un hypnotique peuvent être utilisés pour éviter les effets néfastes de l’interaction douleur-sommeil et l’installation d’un cercle vicieux. En cas de douleur chronique, il est essentiel d’adapter la prise en charge, pharmacologique ou comportementale, au contexte clinique.

 

(1) Borbely AA et al. The two-process model of sleep regulation: a reappraisal. J Sleep Res. 2016;25(2):131-43
(2) Raymond I et al. Sleep disturbances, pain and analgesia in adults hospitalized for burn injuries. Sleep Med. 2004;5(6):551-9
(3) Wu YL et al. Sleep disturbances in fibromyalgia: A meta-analysis of case-control studies. Journal of Psychosomatic Research 96 (2017) 89-97

 


Source : Le Quotidien du médecin: 9710