Un prélèvement bactériologique positif ne permet pas de faire la différence entre la colonisation par des bactéries commensales et l'infection, aussi ne doit-il être demandé et interprété qu’en fonction de la clinique, et les antibiotiques (ATB) réservés aux seules situations d’infection avérée ou fortement suspecte. « L’ATB n’a pas de pouvoir de détersion et n’améliore pas la cicatrisation des plaies non infectées », ironise Raphaël Masson, infectiologue au CHU de Montpellier.
Globalement la prescription d’ATB doit se fonder sur un prélèvement bactériologique effectué dans les règles, en oubliant les écouvillonnages superficiels au profit des prélèvements tissulaires, de l’aspiration à l’aiguille, etc. pratiqués après nettoyage et débridement de la plaie.
Dans les infections superficielles il n’y a pas d’urgence à instaurer un traitement antibiotique et on peut donc attendre le résultat du prélèvement. Par contre, les infections plus graves imposent une antibiothérapie probabiliste en urgence qui sera secondairement adaptée.
Antibiothérapie probabiliste
L’ATB probabiliste dépend du type de plaie. Les plaies superficielles et récentes sont généralement colonisées par le staphylocoque doré et le streptocoque hémolytique, le problème restant celui des Staphylococcus Aureus résistant à la méthicilline (SARM) et des pathogènes sécrétant des βlactamases à spectre étendu (BLSE). Le risque de résistance est évalué selon des arguments cliniques, colonisation connue ou antécédents d’infections à bactérie multirésistante (BMR), antibiothérapies ou hospitalisations répétées. De nombreux ATB à bonne diffusion cutanée sont utilisables ; parmi ceux à spectre le plus court, la cloxacilline et la cefalexine. L’amoxacilline n’a pas de place en raison de son manque d’impact sur le staphylocoque pratiquement toujours présent.
Le choix se complique dans les plaies chroniques et/ou profondes, où la flore est polymicrobienne avec souvent des Gram- et des anaérobies. En l’absence de signes de gravité, l’amoxiciline/acide clavulanique qui couvre tout sauf le Pseudomonas peut être un premier choix mais son spectre est large avec un risque d’effets secondaires et de résistance. Les plaies sévères requièrent en urgence des molécules à large spectre, généralement par voie parentérale. La pipéracilline/tazobactam, βlactamine à large spectre couvre staphylocoque et streptocoques, de nombreux Gram- et anaérobies. Il n’est pas actif sur les SARM, aussi si certains éléments les font suspecter, on peut y associer linezolide, vancomycine, teicoplanine, daptomycine ou éventuellement pyostacine. Dans les situations graves, on peut aussi rajouter de l’amykacine pour son action synergique et la couverture des BSLE, et dans les formes nécrosantes ou les fasciites la clindamycine ou le linezolide pour leur impact antitoxinique.
Éviter l'antibiorésistance
Les fluoroquinolones ou la rifampicine ne doivent pas être utilisées dans les plaies vu le risque potentiel de sélection de germes résistants alors que ces ATB se révéleront précieux en cas d’ostéite. Cette antibiothérapie probabiliste favorise l’antibiorésistance et n’est pas dénuée d’une certaine toxicité en particulier la vancomycine ou la linezolide ; afin de limiter sa durée on a maintenant à notre disposition des tests de diagnostic rapide de l’antibiorésistance. Le switch pour la forme orale est possible dès l’amélioration clinique si sa biodisponibilité est bonne.
La plaie est réévaluée après 48/72 heures pour adapter le traitement. Si l’évolution est favorable, l’ATB initial est poursuivi y compris lorsque le germe n’est en théorie pas couvert par l’ATB ; en cas de prescription initiale de molécules à large spectre pour couverture des SARM et/ou de BMR, si ces germes ne sont pas isolés dans les prélèvements on procède à une désescalade thérapeutique vers des molécules à spectre plus étroit. Si l’évolution est défavorable, on adapte l’ATB à l’antibiogramme.
D’après les communications du Dr Raphaël Masson, infectiologue (unité cicatrisation, CHU de Montpellier), Dr Sylvie Meaume, gériatre/dermatologue (hôpital Rothschild, Paris), Pr Éric Senneville, infectiologue (CH Tourcoing)
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