Attentats de Paris de novembre 2015

Les leçons des attaques multisites

Par
Publié le 30/05/2016
Article réservé aux abonnés

« À Paris, le 13 novembre 2015, ce sont les Plan Rouge Alpha de la BSPP et « Plan Camembert » des 8 SAMU d’Ile-de-France, préparés pour faire face à des attaques multisites, qui ont été activés. Parallèlement, le Plan Blanc était déclenché pour la première fois sur l’ensemble des hôpitaux de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris », explique le Pr benoît Vivien (SAMU de Paris, hôpital universitaire Necker-Enfants Malades).

Mobiliser et organiser les ressources

Sur le plan médical, c'est la stratégie du « damage control » qui est privilégiée. Cette modalité de prise en charge de sujets victimes d'actes de guerre, centrée sur le contrôle des hémorragies, vise à stabiliser les patients et les emmener au plus vite vers un bloc opératoire. Dans cette optique, des postes médicaux avancés (PMA) sont mis en place sur le terrain par les équipes de SAMU-SMUR, destinés à regrouper et trier sur place les blessés, et à leur prodiguer les soins urgents vitaux, indispensables à leur survie durant leur transport vers les hôpitaux.

Sur le plan organisationnel, il faut mobiliser et répartir sur les différents sites d’attentats l'ensemble des ressources de soins préhospitalières venues de toute la région Île-de-France. Le risque serait de concentrer l’ensemble des ressources sur un seul site, au détriment d’autres sites simultanés ou à venir. Il faut également conserver des ressources médicales suffisantes pour assurer les urgences préhospitalières « du quotidien ».

C’est ainsi que, durant la nuit du 13 novembre, trois patients victimes d’un infarctus du myocarde ont été pris en charge par des équipes de SMUR, comme dans toute autre garde, et transférés directement dans des services de cardiologie interventionnelle.
En région parisienne, c'est le « Plan Camembert » qui est appliqué. Chaque site d’attentat est géré de manière indépendante par un des 8 SAMU d’Île-de-France, et l’ensemble du dispositif est coordonné par le SAMU Zonal. L'organisation des renforts par les différentes équipes de SMUR se fait de manière concentrique : les SAMU et SMUR de la grande couronne renforcent ceux de la petite couronne qui leur sont limitrophes, et ceux de la petite couronne renforcent les différents secteurs limitrophes de Camembert parisiens.

Coordination générale et présentations spontanées inattendues

Les SAMU et SMUR, ainsi que les équipes de la BSPP sur la petite couronne, constituent le pivot de la prise en charge médicale sur le terrain, et ce en lien étroit avec les différents hôpitaux grâce à la régulation effectuée par le SAMU.

Sur place, les gestes médicaux étaient très limités, mais néanmoins indispensables à la survie des blessés. Un triage était effectué sur le terrain par les équipes de SMUR avant l’organisation des évacuations hospitalières. À l’arrivée à l’hôpital, un nouveau triage était effectué conjointement par un binôme anesthésiste-chirurgien pour identifier les patients en extrême urgence devant être amenés directement au bloc opératoire.

Ces attentats ont mis également en évidence que, en plus des victimes adressées aux hôpitaux après régulation médicale par le SAMU, il faut faire face à un nombre important de patients se présentant spontanément dans les hôpitaux situés à proximité immédiate des sites, et que ceci concerne également des patients en état d'urgence absolue. Ainsi, dans la nuit du 13 novembre, du fait de ces présentations spontanées, les CHU Saint-Louis et Saint-Antoine ont été amenés à prendre en charge à eux seuls près de 25 % de l’ensemble des patients hospitalisés au sein de l'AP-HP.

Enfin, ces attentats ont souligné la nécessité d'une coordination étroite non seulement entre les équipes de SAMU-SMUR et les pompiers, qui existe déjà, mais également avec les forces de police d'intervention spécialisées, qui délimitent les zones d’exclusion au sein desquelles les équipes de SMUR, non formées à la médecine de guerre, ne doivent pas intervenir.

D'après un entretien avec le Pr benoît Vivien (SAMU de Paris, hôpital universitaire Necker-Enfants Malades)

Pascale Solère

Source : Le Quotidien du médecin: 9500