À l’occasion de son rendez-vous du mardi, l’Académie nationale de médecine s’est transportée au-delà des frontières françaises pour s’intéresser à la santé maternelle* dans les pays en voie de développement. Quelque 800 femmes meurent par jour des suites de complications survenues pendant la grossesse et l’objectif d’une réduction de la mortalité d’ici à 2015 est loin d’être atteint.
Les femmes sont très vulnérables dans les pays pauvres. La communication de Jacques Milliez, gynécologue accoucheur, et professeur à l’université Paris VI donne un aperçu chiffré de la fragilité de la santé maternelle, menacée notamment par la grossesse, première cause de mortalité. Alors qu’en Europe la mortalité des femmes enceintes varie de 2 à 10 ‰, elle est 100 fois plus élevée dans les pays en difficulté. Chaque année, 500 000 femmes meurent en attendant un enfant. En outre, elles subissent de nombreux sévices liés au genre : lapidations pour adultère, crimes « d’honneur », stérilisations non consenties (250 000 en Amérique du Sud), mutilations génitales (130 millions de femmes)... Le Pr Milliez rappelle que parmi les objectifs du Millénaire pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS) figure la réduction de 75 % de la mortalité maternelle dans le monde d’ici à 2015. « Le décollage n’a toujours pas commencé. »
Les professionnels de la naissance manquent cruellement et les femmes accouchent à la maison. Alors que 99 % des parturientes des zones développées sont entourées lors de l’accouchement, ce taux chute à 57 % dans les pays émergents, voire 34 % dans les pays à faible revenu. Un million de professionnels font défaut à l’Afrique, 4 millions dans le monde entier. L’accès en urgence aux soins est d’autant plus périlleux. Les césariennes vitales, qui devraient avoisiner les 15 % selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne représentent que 1,7 % des accouchements en Afrique de l’Ouest. Même à l’hôpital, de trop longs délais dans la prise en charge provoquent une mortalité élevée (1 % des parturientes en Afrique subsaharienne).
Les décès surviennent suite à des hémorragies, responsables de 40 % des morts maternelles, ou à des infections et septicémies des suites de couches. Le VIH, qui touche 26 millions de femmes dans le monde accroît la morbi-mortalité. Les enfants meurent aussi. Alors que la mortalité infantile est de 7 ‰ dans les pays développés, elle atteint 93 ‰ dans les endroits dénués de ressources.
Des plans d’action incertains
Que faire ? Les solutions sont connues. Le Pr Jacques Milliez liste l’accès à la contraception (seulement 17 % des Africaines de l’Est et 8 % de l’Ouest y ont recours), l’amélioration de l’éducation des femmes, l’accès à l’eau potable, les programmes de maternité sans risques, une meilleure organisation des soins obstétricaux, et l’implication des agences et organismes étrangers. « On espère un usage plus rationnel de l’Aide au développement, on attend qu’ils respectent leur engagement d’y contribuer à hauteur de 0,7 % de leur PIB, faute de quoi il manquera au moins 22 milliards de dollars pour atteindre les objectifs du Millénaire de 2015 », souligne le Pr Milliez, interpellant les pays du G8 (G20).
Alexandre Dumont, de l’Institut de recherche pour le développement (Paris Descartes) note toutefois que l’efficacité de ces interventions visant à réduire la mortalité maternelle, est difficile à évaluer. Les programmes de formation complémentaire des agents dans la communauté (accoucheuse, matrone, travailleur social...), pour les soins essentiels lors de la grossesse et à l’accouchement, ont un effet positif sur la santé des mères et des enfants, même s’il n’est pas significatif en terme de diminution de la mortalité. En revanche, les interventions sur l’amélioration de la filière de soins (moyens de communication, accessibilité, mise en place de structures non médicalisées proches de l’hôpital, où les femmes peuvent attendre le début de travail), comme celles la pratique médicale dans les hôpitaux sont insuffisamment évaluées. Le chercheur plaide pour l’intensification des études pour mieux comprendre quelles interventions ont réellement des effets positifs.
* Voir aussi l’article sur les fistules obstétricales du 8 novembre 2012.
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