Lors de l’arrêt d’antidépresseurs, les patients subissent quelques symptômes associés mais à une faible incidence, en deçà du seuil clinique pour caractériser un syndrome d’arrêt. Une large méta-analyse menée par des chercheurs britanniques remet ainsi en question des préconceptions qui ont eu « des effets significatifs sur les politiques de santé et l’attitude vis-à-vis de l’usage des antidépresseurs ».
La méta-analyse, publiée dans le Jama Psychiatry, inclut 50 études, totalisant près de 18 000 patients, principalement des femmes (67 %), âgées de 44 ans en moyenne. Les essais cliniques couvraient différents diagnostics, dont les principaux étaient : trouble dépressif majeur (28), trouble anxieux généralisé (9) et trouble panique (4). Les chercheurs concluent à la présence de symptômes d’arrêt tangibles mais leur fréquence de survenue est bien moindre que précédemment suggéré.
Vertiges et nausées comme principaux symptômes
En moyenne, par rapport à l’arrêt d’un placebo ou au maintien des antidépresseurs, l’arrêt de traitement était associé à seulement un symptôme supplémentaire à une semaine post interruption. Une valeur qui s’inscrit sous le seuil de significativité clinique pour définir un syndrome d’arrêt, selon l’échelle DESS (Discontinuation Emergent Signs and Symptoms) qui le fixe à au moins quatre symptômes. Plus précisément, ce nombre moyen s’élevait à 1,61 pour la duloxétine, 1,37 pour la venlafaxine et 0,56 pour la vortioxétine.
Le symptôme le plus fréquent était l’étourdissement (odds ratio [OR] à 5,52 ; risk difference [RD] à 6,24 %), probablement à cause des effets de la sérotonine sur le système vestibulaire, suivi par les nausées (OR à 3,16 ; RD à 2,90 %), les vertiges (OR à 6,4 ; RD à 2,31 %), la nervosité ou irritabilité (OR à 3,15 ; RD à 1,3 %) et les rêves agités ou cauchemars (OR à 3 ; RD à 2,44 %).
Les symptômes dépressifs ne sont pas dus à l’arrêt de traitement
L’interruption de traitement n’était pas associée à de la fatigue, des paresthésies, des tremblements ou des douleurs, ni avec la réapparition de symptômes dépressifs. Ainsi, l’aggravation de l’humeur est corrélée à une rechute et non aux symptômes d’arrêt. À l’inverse, les chercheurs ont observé une prévalence plus importante d’anxiété et de nervosité : avant de diagnostiquer une rechute d’un trouble anxieux, il faudra s’assurer de l’indépendance des symptômes par rapport à l’arrêt des antidépresseurs.
Conformément à ce qui était connu, l’arrêt de la venlafaxine est associé à une incidence plus élevée de symptômes du fait de sa clairance rapide, le principal étant là aussi les vertiges (17,5 % des patients). Concernant ce traitement, aucune différence n’a été constatée entre un arrêt brutal et progressif. Pour autant, « la question d’un schéma de cessation dégressif est ouverte, compte tenu des préoccupations soulevées dans différentes études ainsi qu’un possible effet nocebo. Cela doit être soigneusement évalué en vie réelle, à travers des essais cliniques randomisés contre placebo, avec une méthodologie rigoureuse », défendent les auteurs. Pour l’ensemble des antidépresseurs étudiés, la durée du traitement n’était pas associée aux symptômes d’arrêt.
Informer sans dramatiser
L’étude démontre une incidence plus faible de symptômes lors de la comparaison directe de l’arrêt des antidépresseurs avec celui du placebo. Cela souligne la nécessité d’un groupe contrôle sous placebo lors de l’évaluation des symptômes d’arrêt pour prendre en considération l’effet nocebo. « Toutefois, cela ne suggère pas que les symptômes ne sont pas réels », avisent les chercheurs. Et d’ajouter : « La reconnaissance du fardeau des effets d’arrêt est cruciale, néanmoins il est important que les discours des professionnels de santé et des médias soient proportionnés. » Les auteurs avancent notamment que mettre l’accent sur ces symptômes augmente la possibilité de survenue de symptômes réels et incapacitants (effet nocebo).
« Les patients utilisant des antidépresseurs sont évidemment inquiets de ce qu’il peut advenir lors de l’arrêt du traitement », commente la Dr Susannah Murphy, département de psychiatrie à l’Université d’Oxford, dans une réaction sur le Science Media Centre. « Les conclusions portées par l’étude suggérant une faible prévalence de symptômes pourraient être utiles aux médecins pour informer leurs patients de ces effets potentiels, tout en les rassurant sur leur faible incidence », ajoute-t-elle.
La Pr Katharina Domschke, professeure de psychiatrie à l’Université de Freiburg (Allemagne), salue « l’excellente qualité méthodologique de l’étude, qui est la méta-analyse la plus complète à date ». Elle complimente l’intérêt de l’analyse individuelle des molécules qui met notamment en lumière un profil favorable pour la vortioxétine. « Cette étude est hautement bienvenue pour aider à rassurer les patients et déstigmatiser l’usage d’antidépresseurs », se réjouit-elle.
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