Il est peu dire que de constater à quel point le décret du 15 juin 2018 visant à limiter à 80 km/h la circulation sur les routes suscite un certain malaise, pour ne pas dire un véritable rififi, au sommet de l’État. Signé avec réticence par le Ministre de l’Intérieur, je constate qu’il n’est pas contresigné par le Ministre des Transports, ni par le Ministre du Budget, ni encore par le Ministre de l’Aménagement du territoire, ce dernier ayant même fait campagne contre cette mesure au titre de la défense des territoires ruraux.
Et pour cause : un décret sans débat préalable à l’Assemblée nationale, comme par hasard signé le 15 juin pour une entrée en application au 1er juillet. Non motivé, il s’appuie sur des études fabriquées pour les besoins de la cause, auxquelles on peut faire dire tout et son contraire, pour peu que l’on décide d’extrapoler sur des rapports de gendarmerie en choisissant de ne pas tenir compte des autres facteurs qu’ils indiquent comme étant pourtant aussi à l’origine des accidents de la route, comme l’alcool, l’usage du téléphone portable au volant, etc.
D'autres mesures plus efficaces
Je le constate bien dans l’exemple du tunnel de l’Escalette sur l’A75, où j’ai obtenu que la limitation à 70 km/h soit portée à 80 km/h, sans que cela n’ait généré un seul accident supplémentaire. Par ailleurs, la limitation sur certains tronçons de routes, réputés pour leur caractère accidentogène, de la circulation à 30, 40, 50 ou 70 km/h est nécessaire, mais nous l’avons déjà !
Si, pour ces raisons, les gouvernements depuis quinze ans ne cèdent pas aux pressions du délégué à la Sécurité routière en faveur d’une réforme devenue un véritable serpent de mer, celui d’Édouard Philippe n’a pas su résister. Arc-bouté sur cette mesure, au prix d’une bagarre au sein même de son propre Gouvernement, le Premier Ministre semble bien seul dans cette affaire !
Oui mais : le pouvoir réglementaire du Premier Ministre reste soumis à des normes, dont il revient au Conseil d’État d’apprécier le respect. Dans le cas de ce décret, je fais valoir au nom d’une soixantaine de députés (Républicains, UDI, Agir et Indépendants, GDR, communistes et France Insoumise) par un recours en annulation, et prochainement d’une procédure en référé, qu’il est entaché de plusieurs irrégularités, à commencer par l’incompétence de l’autorité administrative qui en est à l’origine, avec ses conséquences en termes de vices de procédure.
Les zones rurales discriminées
Au-delà, outre le fait qu’il ne repose donc pas sur une base légale, ce décret ne différencie pas les routes secondaires et les routes nationales, générant ainsi une discrimination territoriale entre zones urbaines et zones rurales, au détriment de ces dernières.
Par ailleurs, il induit des coûts exorbitants de mise en place de signalétique, qui de toute évidence ne pourra se faire en quinze jours, sans compter la réticence déjà exprimée d’un certain nombre de départements.
Enfin, alors que depuis des mois, le gouvernement tente de justifier sa mesure dans le cadre d’une « expérimentation de deux ans » sur laquelle il continue de communiquer, je constate que cette expérimentation n’apparaît pas dans le décret, ce qui procède d’une volonté de réglementer de manière arbitraire et non justifiée et à ce titre constitue un détournement de pouvoir. Le gouvernement n’est pas au-dessus des lois !
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