À l’ouverture, cet après-midi, du procès du Dr Danièle Canarelli, plus de cent soignants ont manifesté devant le tribunal correctionnel de Marseille pour soutenir la psychiatre poursuivie pour homicide involontaire après le meurtre d’un octogénaire par l’un de ses patients.
Ce procès constitue une première en France car il pose aujourd’hui la question de la responsabilité du psychiatre dans la prise en charge des patients à risques, irresponsables pénalement. Dans une ordonnance particulièrement à charge, la juge d’instruction Annaïck Le Goff, reproche au Dr Canarelli « des fautes multiples et caractérisées » ayant « contribué au passage à l’acte violent » de son patient, Joël Gaillard qu’elle suivait de longue date au centre hospitalier Edouard-Toulouse à Marseille.
Coupable mais pas responsable
Psychotique alternant hospitalisation d’office et sorties d’essai depuis 2001, Joël Gaillard avait assassiné à coups de hachette Germain Trabuc, le compagnon octogénaire de sa grand mère, le 9 mars 2004. Vingt jours auparavant, ce patient s’était enfui de l’hôpital Edouard-Toulouse lors d’une consultation avec le Dr Canarelli qui envisageait de mettre un terme à sa sortie d’essai pour le ré-hospitaliser. Interpellé trois jours plus tard après le meurtre de Germain Trabuc, Joël Gaillard est mis en examen pour « homicide volontaire avec préméditation ». Reconnu non-responsable pénalement il bénéficie d’un non-lieu en 2005.
En 2007, Michel Trabuc, fils de l’octogénaire assassiné décide alors de porter plainte contre l’hôpital Edouard-Toulouse, l’État et le Dr Canarelli qui suit Joël Gaillard depuis sa première hospitalisation d’office suite à une agression au couteau d’un vigile en 2000. Un temps mis hors de cause, l’hôpital est finalement condamné en octobre 2009 à verser 15 000 euros à Michel Trabuc tandis que la responsabilité de l’État n’est pas retenue.
Le risque zéro n’existe pas
Mandaté dans le cadre du procès du Dr Canarelli, l’expert judiciaire, Jean-Claude Archambault va jusqu’à évoquer un « déni » de la psychiatre pour n’avoir pas diagnostiqué de schizophrénie chez ce patient contrairement à ses « collègues psychiatres » qui ont conclu à « une psychose avec syndrome délirant de type paranoïde et vécu persécutoire », engendrant selon lui une prise en charge inappropriée.
En septembre dernier, cinq syndicats de psychiatre ont dénoncé dans un communiqué commun « la tendance à vouloir mettre en cause la responsabilité des psychiatres hospitaliers en exigeant d’eux une obligation de résultat et non plus de moyens, dans un domaine où la prédictivité et le risque zéro n’existent pas ».
Un bouc émissaire
Pour le Dr Olivier Labouret, président du l’Union syndicale de la psychiatrie (USP) ce procès illustre le « glissement » sécuritaire de la psychiatre marqué dernièrement par la loi du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement. « On demande à la psychiatrie d’être une science exacte et il y a une confusion entre le soin et la contrainte. On veut faire porter ici au psychiatre la responsabilité d’un acte dans lequel le Dr Canarelli n’y est pour rien. Elle avait fait ce qu’il fallait au niveau légal. Elle avait signalé que ce patient devait être réintégré mais elle n’a simplement pas pu le garder de force quand il est venu en consultation », commente-t-il. « Nous ne voyons pas ce qui peut être reproché à la psychiatre qui voulait re-hospitaliser ce patient. Peut-être de ne pas s’être jetée sur lui et de l’avoir ceinturé… », renchérit le Dr Alain Vaissermann, président du comité d’action syndicale de la psychiatrie (CASP).
« Le Dr Canarelli avait par ailleurs signalé la situation aux forces de l’ordre, à l’autorité administrative, qui avaient tout le loisir de l’interpeller dans les 15 jours qui ont suivis, ce qui aurait permis d’éviter le crime », ajoute le Dr Labouret. Alors que la responsabilité de l’Etat n’a pas été engagée, « on repousse la responsabilité sur le Dr Canarelli qui apparaît aujourd’hui comme un bouc émissaire », considère le président du l’USP. Selon le Dr Vaissermann, un éventuel jugement en défaveur du Dr Canarelli pourrait avoir « des effets néfastes » sur le type de prise en charge des malades mentaux par les psychiatres . « On serait dans un état d’anxiété permanent pour éviter qu’il y ait un drame, à craindre le pire et à enfermer de plus en plus les gens », conclut le Dr Labouret.
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