Douze cas qui font désordre… Le 10 janvier, Médecins du Monde, la Fédération des acteurs de la solidarité (FNARS) et le CISS (usagers) ont saisi le défenseur des Droits, Jacques Toubon, après avoir constaté que plusieurs médecins et chirurgiens-dentistes affichaient sur leurs sites de prise de rendez-vous en ligne leur refus de prendre en charge des bénéficiaires de la CMU ou de l'AME. Ces associations ont dénoncé des pratiques illégales et discriminatoires.
La loi est claire. Les praticiens sont tenus de prodiguer des soins à ces patients précaires, aux tarifs opposables. Si les pratiques de discrimination ne sont pas nouvelles, elles se révèlent délicates à mesurer. Dans son rapport pour 2014, le fonds CMU faisait état de 49 refus de soins avérés opposés par des généralistes et 229 imputables à des spécialistes. Mais les pratiques sont diverses, soulignent les associations : il peut s'agir d'un refus de soins non motivé, d'une fixation abusivement tardive de rendez-vous, d'un refus de tiers payant obligatoire, du non-respect des tarifs opposables…
Saisi par les associations, le Défenseur des droits a ouvert une instruction et adressé des demandes d'explication aux praticiens. Dans « Le Monde », qui a dévoilé l'affaire, Jacques Toubon accuse surtout le conseil de l'Ordre de « nier la réalité : lorsque les patients se tournent vers cette instance, il ne se passe rien ». Contacté par « Le Quotidien », le Défenseur des droits persiste. « Il serait bien que l'Ordre se mobilise au niveau local pour sensibiliser et former les médecins, mais aussi les juges, à combattre ces pratiques », indique-t-il.
Peu de sanctions prononcées
Accusé d'inaction, le président de l'Ordre national, le Dr Patrick Bouet, assure que « toutes les plaintes reçues sont instruites sans exception ». Mais il rappelle que l'Ordre est démuni de moyens de police. « Sans nom de médecin pratiquant ces discriminations, je ne peux rien faire », précise-t-il. Et il regrette la volonté du Défenseur des droits, comme celle des associations d'usagers, de ne pas saisir l'institution ordinale. Chacun se renvoie donc la balle, même si une convention de coopération a été signée…
De fait, à ce jour, seuls huit dossiers de refus de soins ont été transmis par les associations à l'Ordre – contre 40 au Défenseur des droits. En fin de semaine dernière, l'Ordre a réclamé les noms des praticiens visés afin de s'autosaisir et de porter plainte.
Selon les chiffres du greffe de la chambre disciplinaire de l'Ordre, l'institution a instruit en première instance huit plaintes de patients en 2014, qui ont donné lieu à cinq rejets (pas de sanction) et à trois sanctions (un avertissement, une suspension d'exercice avec sursis et une suspension d'une durée de trois mois). En 2015 cette fois, huit autres patients ont adressé une plainte à l'Ordre : sept ont fait l'objet d'un rejet, une dernière d'un blâme… Le nombre de dossiers reste donc très modeste.
Le Défenseur des droits annonce qu'une étude sur les « pratiques médicales et dentaires, entre différenciation et discriminations » sera rendue publique en mars 2017. Elle portera de façon anonyme sur des situations concrètes de refus de soins et sur la relation médecins/patients précaires.
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