Grippe saisonnière

Les Français tardent à se vacciner

Publié le 29/11/2010
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LES ORGANISMES chargés de la surveillance de la grippe sont très attentifs à l’épidémie grippale qui survient en juillet-août dans l’hémisphère sud, afin de mieux appréhender ce qui va se passer quelques mois plus tard dans l’hémisphère Nord. « Cette année, précise le Dr Thierry Blanchon, du réseau Sentinelles, l’épidémie a été plus tardive et moins ample qu’en 2009, mais c’était une grippe saisonnière due à des virus habituels. » Actuellement en France, le nombre de cas de grippe est faible. Depuis septembre 2010, 37 virus grippaux ont été identifiés. Parmi ceux-ci, 20 (54 %) étaient de type A (dont 5 H1N1 de 2009), 16 de type B (43 %) et 1 de type C (3 %). Tous les virus caractérisés depuis le début de la surveillance sont apparentés aux souches contenues dans le vaccin contre la grippe saisonnière actuellement utilisé.

Les recommandations du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) pour la grippe saisonnière 2010-2011 sont parues le 24 septembre (www.hcsp.fr). Elles reprennent les recommandations 2009 de vacciner les personnes âgées de 65 ans et plus, les enfants à partir de l’âge de 6 mois et les adultes (y compris les femmes enceintes) présentant des facteurs de risque pour la grippe saisonnière. Un élément nouveau concerne les personnes âgées de 6 mois et plus, infectées par le VIH, quels que soient leur âge et leur statut immuno-virologique.

La France 17e.

Sur l’ensemble de la population, la couverture vaccinale est de 26 % depuis 3 saisons hivernales. « Ce qui est bien insuffisant, estime le Pr Bruno Lina (CHU, Lyon). La France est au 17e rang en matière de couverture vaccinale contre la grippe. » Pourtant, la protection vaccinale contre la grippe saisonnière a progressé de 60 % en 1992 à 71 % en 2009 chez les personnes âgées de 65 ans et plus. En fait, cette progression est surtout le fait des plus de 75 ans. Chez les 65-69 ans, elle n’est passée, pendant le même temps, que de 43 à 61 %. Pour les autres populations à risque, la couverture est encore plus faible : 40 % chez les moins de 65 ans souffrant d’une ALD, 25 % chez les moins de 65 ans souffrant d’un asthme.

Les chiffres donnés par la CNAM, les sorties d’officine et les fabricants de vaccins concordent. La campagne de vaccination a démarré plus lentement que les années précédentes mais le taux de vaccination actuelle augmente et, selon les experts, le retard pourrait être rattrapé d’ici peu. « La campagne de vaccination doit continuer, car l’épidémie n’a pas vraiment commencé, souligne Bruno Lina. Dans l’hémisphère nord, seul le Canada rapporte une activité grippale soutenue. Les virus qui circulent actuellement sont de tous types, aucun ne semble majoritaire. Quelques cas graves ont été notés mais la plupart du temps, il s’agissait de sujets à risque qui auraient été protégés s’ils avaient été vaccinés. »

Des doutes injustifiés.

L’année dernière, la pandémie de grippe A(H1N1)v, gérée dans l’urgence, a généré un malaise dans la population qui a conduit à une remise en cause du vaccin pandémique et à une réticence vis-à vis de cette vaccination. Une enquête effectuée a posteriori a montré que le refus de la vaccination H1NI en 2009-2010 était dû dans les trois-quarts des cas à un doute sur la sécurité du vaccin et à la crainte d’effets secondaires. Ce malaise n’est pas oublié et est à l’origine du ralentissement de la vaccination contre la grippe saisonnière en 2010-2011. « C’est parfaitement injustifié », estime le Pr Claude Hannoun (Paris) en répondant à toutes les critiques qui ont été émises à ce propos. Il réfute l’affirmation selon laquelle le vaccin H1N1 2009-2010 aurait été « bâclé » et affirme que la souche H1N1 qui est dans le vaccin saisonnier en cours n’est pas plus dangereuse que les souches saisonnières habituelles. Toutes les souches pandémiques deviennent des souches saisonnières sans qu’on sache très bien comment expliquer la diminution de nocivité (effet immunitaire global qui modifie la réponse de la population au virus ?). Contrairement à ce qui a été dit, les adjuvants utilisés depuis longtemps dans les vaccins pour renforcer l’immunité ont fait la preuve de leur innocuité. Le Pr Hannoun rappelle aussi que le vaccin ne peut pas donner la grippe puisqu’il s’agit d’un vaccin inactivé qui ne contient pas de particules infectieuses. « Si, bien sûr, la grippe saisonnière n’est pas aussi grave que la grippe pandémique, elle peut être redoutable chez les sujets à risque. Il faut se faire vacciner. » Enfin, la vaccination contre la grippe saisonnière a fait la preuve de son efficacité. « Elle ne peut revendiquer une protection à 100 % et ne protège pas contre les souches qui ne sont pas présentes dans le vaccin, mais elle réduit la mortalité, le nombre d’hospitalisations et les évolutions sévères. »

YVONNE ÉVRARD

Source : Le Quotidien du Médecin: 8865