Le rôle du scientifique est d’éclairer à partir de données factuelles, le rôle du politique est de décider. En tant que scientifiques, nous rappelons que les 11 vaccins concernés par l’obligation ont une balance bénéfice/risque très favorable.
La décision relative à l’obligation vaccinale est d’ordre politique. Cette décision a malheureusement offert une tribune dont n’avaient pas besoin les opposants à la vaccination qui se sont saisis de l’occasion pour répandre des théories scientifiquement infondées et contraires à l’intérêt des enfants et de la population.
S’il est légitime que la communauté scientifique dénonce de telles affirmations fallacieuses, rien ne justifie un militantisme aveugle en faveur de la vaccination. Ce militantisme oblige à cautionner toute mesure dont l’intention serait d’augmenter la couverture vaccinale quels que soient les fondements et conséquences de ces mesures. L’obligation en constitue l’archétype. Cette mesure soulève des questions éthiques et s’oppose à l’évolution de la place du patient dans la gouvernance de sa propre santé et à la promotion du principe d’autonomie inscrit dans la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients. Du fait de son caractère autoritaire, elle crée la défiance.
Une fausse bonne idée
Mais au-delà de ces questions éthiques, existe-t-il des arguments scientifiques qui plaideraient en faveur de l’efficacité de l’obligation ? Trois arguments sont régulièrement mis en avant par les partisans de la solution coercitive.
La levée de l’obligation ferait baisser le taux de couverture vaccinale. Cette assertion repose uniquement sur une enquête d’opinion, dont le niveau de preuve est très faible. Un argument plus solide va à l’encontre de cette hypothèse : d’autres pays européens comparables à la France ont, sans cette contrainte, des taux de couverture vaccinale équivalents ou supérieurs. La situation actuelle en France serait si préoccupante qu’elle impose cette solution radicale. Si la couverture vaccinale n’atteint effectivement pas les objectifs pour l’ensemble des vaccins recommandés, le taux de couverture vaccinal augmente et il est supérieur à 90 % pour la majorité d’entre eux. La mortalité liée aux maladies évitables par les vaccins est extrêmement faible (environ un décès par an dû à la rougeole). L’obligation correspondrait au souhait de la population et du corps médical. Si une consultation citoyenne a bien eu lieu, aucun des groupes de la concertation (usagers et professionnels) ne s’est prononcé en faveur de cette obligation. Seule la conclusion l’a proposée en s’affranchissant des préconisations des deux groupes.
Enfin, l’obligation vaccinale a fait l’objet d’une étude sociohistorique par le CNRS en 2004 qui a mis en évidence les nombreux échecs de l’obligation vaccinale depuis deux siècles et la propension de l’obligation à favoriser l’émergence des mouvements anti vaccins.
Conclusion : Les données scientifiques ne laissent pas augurer une amélioration de la couverture vaccinale à la suite de son obligation réglementaire pour laquelle il n’existe à ce jour aucun moyen de contrôle efficace, sauf à provoquer une stigmatisation des enfants non vaccinés. Elle provoque déjà chez nombre de patients des réactions de défiance a contrario de l’intention initiale. Il est à craindre que cela complique le travail des médecins qui vaccinent.
L’amélioration de la couverture vaccinale ne pourra être obtenue qu’avec de réels moyens comme des interventions d’ampleur auprès du grand public et des professionnels et auxquelles les universitaires de médecine générale sont prêts à participer. Dans ce contexte, l’obligation vaccinale fait évoquer l’aphorisme de HL Mencken « Il existe pour chaque problème complexe une solution simple, directe et fausse. »
Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article
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