Ce début du XXIe siècle est marqué par de nombreuses découvertes souvent prometteuses dans le domaine de la santé. L’arrivée de ces innovations constitue un espoir pour des millions de patients, particulièrement pour les traitements des pathologies chroniques ou orphelines.
Pour autant, des questions se posent : ces nouveaux médicaments mis sur le marché peuvent-ils tous être qualifiés d’innovations thérapeutiques ? Leurs prix parfois prohibitifs sont-ils justifiés ? Comment, dans ces conditions, garantir leur accès à tous les malades sans menacer la pérennité de notre système solidaire de santé ?
D’abord, le terme de « médicament innovant » parfois utilisé par l’industrie pour justifier de fortes hausses de prix est en réalité trompeur. Ces nouveaux traitements ne sont en effet pas systématiquement garants d’une amélioration notable du service médical rendu pour les malades.
Ensuite, les prix parfois stratosphériques des traitements réellement innovants menacent l’accès équitable aux soins et ne sont pas toujours en cohérence avec un niveau d’investissement idoine des laboratoires en recherche et développement. En 2014, l’exemple du Sofosbuvir, traitement de l’hépatite C – mis à prix à 40 000 € la cure de trois mois – a clairement posé le problème de la soutenabilité de notre système de remboursement. Cinq ans plus tard, le prix d’un nouveau médicament contre le cancer est fixé à 300 000 €, tandis qu’un autre contre l’amyotrophie spinale est négocié, aux États Unis, à 2,1 M€ pour une seule injection. Inquiétant.
Rationnement et hausse du reste à charge : un double écueil
L’absence de maîtrise des prix conduit à deux évolutions possibles : un accès limité aux dispositifs innovants ou une augmentation du reste à charge pour les malades. Le premier scénario a été expérimenté en 2014 avec l’arrivée sur le marché du nouveau traitement contre l’hépatite C. Faute de pouvoir traiter tous les malades en raison d’un coût totalement inassumable pour l’Assurance maladie, une sorte de « prime à la morbidité » a été mise en place : seuls les malades les plus gravement atteints ont alors pu bénéficier de ce nouveau traitement.
Selon le second scénario, l’accès rapide à l’innovation sera réservé aux seuls patients suffisamment riches pour payer un reste à charge élevé. Il va de soi que pour nous, aucun de ces scénarios n’est acceptable.
Certes, de nouveaux modèles de financement sont aujourd’hui proposés : forfait par pathologie, enveloppe d’investissements, étalement de la dépense sur plusieurs années ou encore paiement à la performance. Pour autant, certaines expériences internationales nous ont montré que ces modèles ne mènent pas nécessairement à une baisse des prix, ils participent même parfois à leur augmentation.
Néanmoins de nouveaux modèles pourraient être envisagés pour des situations très spécifiques. Nous sommes prêts à en discuter. Les conditions de réussite reposeront sur un suivi et une évaluation en vie réelle, ainsi que sur la participation effective de tous les acteurs, y compris les patients, dans toutes les décisions prises. Seule la transparence entre tous les acteurs permettra à chacun d’avoir le même niveau de connaissance.
Pour des prix justes et mieux encadrés.
La transparence est l’enjeu central aujourd’hui pour un meilleur encadrement des prix. Car pour l’heure, disons-le, c’est l’opacité la plus totale qui règne en la matière : opacité dans les mécanismes de fixation des prix par les industriels, opacité des négociations entre l’État et l’industrie. On peut également regretter que les financements publics dont bénéficie l’industrie, tout comme la part de la recherche publique fondamentale dans la mise au point de nouveaux traitements ne soient jamais pris en compte dans la fixation de ces prix.
Sans cette indispensable transparence, on s’éloignera inexorablement de la fixation d’un prix juste et vertueux censé financer la recherche et le développement. Pour nous, défenseurs de l’égalité devant le soin et des usagers du système de santé, la fixation du prix d’un médicament ne peut se faire à la corbeille de telle ou telle place financière en vue de répondre aux exigences de quelques actionnaires. Les innovations dont l’efficacité est prouvée doivent pouvoir être accessibles à toutes celles et tous ceux qui en ont besoin. Les prix doivent être mieux contrôlés afin que le progrès thérapeutique bénéficie d’abord aux personnes malades sans pour autant décourager l’innovation. Pour ce faire, nous demandons une réelle transparence à tous les niveaux : de la recherche médicale et de son financement jusqu’à la fixation des prix des produits de santé et leur mise sur le marché.
Nous appelons également à une meilleure coordination européenne. Alors qu’autorisations de mise sur le marché et politiques des brevets se jouent au niveau européen, il serait plus que légitime que les États membres disposent d’un pouvoir « collectif » de négociation des prix face aux firmes.
Nous souhaitons aujourd’hui un juste équilibre entre le soutien au développement de véritables innovations thérapeutiques et la protection de notre système solidaire d’Assurance Maladie.
L’accès aux soins est un droit fondamental, il ne peut souffrir d’aucune restriction. Un nouveau contrat social avec l’industrie pharmaceutique s’impose.
[1] Rapport d’activité du CEPS 2014-2015
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