LA SALLE d’audience promet d’être pleine comme un œuf. Jacques Servier sera présent, Irène Frachon également. La pneumologue de Brest est appelée comme témoin par les parties civiles, mais le fond du dossier ne sera pas évoqué aujourd’hui. Place, d’abord, à une bataille juridique entre avocats.
Aux yeux des laboratoires Servier, ce procès en correctionnel est contraire à tous les principes du droit. Une personne ne peut être jugée en citation directe, et mise en examen pour les mêmes faits en parallèle, expose l’avocat du fabricant. Me Hervé Témime va ainsi soulever différents arguments juridiques pour tenter d’invalider le procès. Tout en se défendant de jouer la montre : « Les juges d’instruction parisiens avancent au pas de charge. Il y aura un procès à Paris, les plaignants ne sont pas laissés à l’abandon », dit-il. Du côté des parties civiles, on espère que justice sera rendue à Nanterre. Me Charles Joseph-Oudin représente une centaine de personnes ayant consommé du Mediator. « La Cour de cassation a tranché : les procédures de Nanterre et Paris peuvent avoir lieu en parallèle », rappelle-t-il. L’enjeu à Nanterre est d’établir s’il y a eu tromperie. L’information transmise aux consommateurs et aux médecins était-elle fiable ? « Leur a-t-on dit, précise Me Joseph-Oudin, que le Mediator, une fois ingéré, se transforme en norfenfluramine, dont on sait la toxicité depuis l’an 2000 ? ».
Dissimulation?
Plusieurs documents clés marqueront le procès, et notamment cet article publié par la revue « Circulation », le 17 septembre 2000. Les auteurs y établissaient le rôle toxique de la norfenfluramine. L’article s’achevait par une mise en garde des prescripteurs : « Clairement, les médecins doivent éviter de prescrire de telles drogues [ayant la norfenfluramine comme métabolite, NDLR], incluant les dérivés d’amphétamine (fenfluramines, ecstasy...) ».
Le Dr Irène Frachon, qui, la première, a lancé l’alerte sur le Mediator, interviendra comme témoin. « J’expliquerai comment j’ai fait le rapprochement avec l’Isoméride et comment j’ai déjoué la tromperie ». La pneumologue a conservé le courrier que lui a adressé Servier le 7 avril 2008, en réponse à l’une de ses questions. Le fabricant y était formel : « Mediator 150 mg se distingue radicalement des fenfluramines tant en termes de structure chimique et de voies métaboliques que de profil d’efficacité et de tolérance ». « Ce courrier, observe le Dr Frachon, ne dit pas qu’il existe une voie métabolique commune à l’Isoméride et au Médiator, qui aboutit à la production de norfenfluramine, dont les effets secondaires sont connus depuis 2000 ».
Me Témime, l’avocat du laboratoire, est tout aussi catégorique. « Il n’y a pas eu dissimulation d’information aux autorités sanitaires, ni avant, ni après l’obtention de l’AMM. Il n’y a pas eu tromperie des consommateurs ». Les laboratoires Servier ne nient pas leur responsabilité. « On sait que ce médicament a pu provoquer des valvulopathies, reprend Me Témime. On l’a malheureusement appris trop tard, au moment de l’étude Regulate ».
Le procès de Nanterre, c’est l’un de ses enjeux, posera la question de l’information médicale. « Les médecins se sont-ils assez renseignés sur le Mediator ? Où sont-ils allés chercher l’information ? », interroge Charles Pernin, chargé de mission à la CLCV, une association de consommateurs qui s’est portée partie civile.
La plus sévère peine qu’encoure le fabricant (3,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 20 000 collaborateurs dans 140 pays) est l’interdiction d’exercice. Ce qui serait « catastrophique », déclarait récemment à la presse Lucy Vincent, à la tête de la communication chez Servier. Catastrophique, mais peu probable au regard des enjeux économiques à la clé. « À un moment, la politique s’en mêlera. Je ne pense pas qu’on arrivera à cette extrémité », déclare un avocat de victimes. Qui ajoute : « Le laboratoire sait qu’il devra payer. Son attitude consiste à gagner du temps. Il négocie avec ses assureurs, et doit budgétiser les énormes coûts à venir ».
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