Dermatite atopique

Dermocorticoïdes et émollients à la base du traitement

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Publié le 12/09/2019
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Les dermocorticoïdes sont efficaces pour traiter et contrôler les poussées, s'ils sont utilisés correctement. Les émollients sont essentiels pour maintenir la barrière cutanée. L'arrivée des biothérapies, dont la première est disponible chez l'adulte, devrait changer la donne dans les formes sévères.
Prescrire un dermocorticoïde adapté à l'âge, à la sévérité et à la localisation des lésions

Prescrire un dermocorticoïde adapté à l'âge, à la sévérité et à la localisation des lésions
Crédit photo : Phanie

La dermatite atopique (DA) est une maladie cutanée fréquente, puisqu'elle touche environ 15 % des enfants, tous stades de sévérité confondus. Elle débute souvent vers l'âge de 3 mois, au moment du sevrage, mais ne traduit pas une intolérance au lait de vache. « La DA n'est pas une allergie alimentaire et il n'y a en général pas de place pour les tests allergologiques », rappelle le Pr Jean-Philippe Lacour, dermatologue à l'hôpital de l'Archet au CHU de Nice.

Dans la majorité des cas, elle s'améliore au cours de l'enfance, mais peut persister ou réapparaître à l’adolescence avec parfois des poussées au moment des examens. « Le stress n'est pas la cause de la DA, mais peut être un facteur déclenchant une poussée, comme cela s'observe dans toutes les maladies inflammatoires », précise le Pr Lacour. La DA persiste à l'âge adulte dans environ 10 % des cas.

Les dermocorticoïdes, très efficaces s'ils sont bien utilisés, représentent la pierre angulaire du traitement. « Il faut prescrire un dermocorticoïde adapté à l'âge, à la sévérité et à la localisation des lésions, à raison d'une application quotidienne le soir jusqu'à leur disparition, rappelle le Pr Jean-Philippe Lacour. La corticophobie, bien qu'en diminution, reste un problème et il faut bien expliquer aux parents que malgré ce qu'ils peuvent lire ou entendre, parfois de la bouche même de soignants, les dermocorticoïdes ne sont pas dangereux pour leur enfant lorsqu’ils sont utilisés correctement ». Il est également important de bien souligner que la DA est une maladie chronique, qui évolue par poussées et que le traitement doit donc être appliqué à chaque poussée, jusqu'à ce qu'elle soit contrôlée.

Entre les poussées, les émollients jouent un rôle fondamental pour maintenir la barrière cutanée. Ils peuvent être appliqués plusieurs fois par jour si besoin. S'ils sont bien supportés, ils peuvent aussi être utilisés lors des poussées, le matin par exemple. « Souvent les parents essayent tout un éventail de crèmes, alors qu'il est préférable de s'en tenir à un émollient bien supporté par le nourrisson ou l'enfant qui respecte les normes », souligne le Pr Lacour, qui rappelle que certains produits dits « naturels » ne subissent aucun contrôle.

Le tacrolimus en topique, un peu moins puissant que les dermocorticoïdes et un peu moins bien toléré car il peut entraîner des picotements, a une place particulièrement intéressante en prévention des poussées dans les localisations récurrentes, comme aux plis des coudes. « Le recours au tacrolimus en topique deux ou trois fois par semaine permet souvent de retarder la poussée suivante », indique le Pr Lacour. Il est aussi adapté aux lésions des paupières où l’utilisation régulière de dermocorticoïdes est à éviter.

Un tournant avec les biothérapies

Dans les formes sévères, il faut avant tout vérifier la qualité du traitement, et recourir à l'éducation thérapeutique, ce qui peut passer par une hospitalisation. En cas de résistance au traitement topique bien conduit, on peut faire appel à la ciclosporine et bientôt au dupilumab chez les enfants plus grands. Après des années de désert thérapeutique, l'arrivée de la première biothérapie marque un tournant et constitue un véritable espoir. Déjà utilisé chez l'adulte, cet anti-IL4 récepteur devrait être à terme accessible aux enfants et adolescents –une demande d'extension d'AMM a été déposée aux États-Unis d'autres biothérapies et des inhibiteurs de JAK sont en cours d'étude, chez l’adulte comme chez l'enfant.

En prévention, des travaux récents ont souligné les bénéfices de l'application d'émollients dès la naissance chez les nourrissons à risque. « Ces résultats vont dans le sens de la physiopathologie de la maladie, qui découle d'une dysrégulation des relations entre immunité et environnement et d'une altération de la couche cornée », note le Pr Lacour. Mais ils n'ont pas été démontrés dans une étude de grande envergure et les émollients en prévention ne font pas l'objet de recommandations. Il en est de même pour les probiotiques, qui avaient donné des résultats encourageants il y a quelques années, non formellement confirmés depuis.

D'après un entretien avec le Pr Jean-Philippe Lacour, dermatologue, hôpital de l'Archet, CHU Nice.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin