Les femmes ne sont pas toutes égales face au risque d’incontinence urinaire. « La génétique intervient pour environ 34 % dans l’incontinence d’effort et pour 37 % dans celle par urgenturie, estime le Dr Brigitte Fatton, gynécologue-obstétricienne au CHU de Nîmes. Les facteurs génétiques se rapportent essentiellement à la qualité du collagène présent dans le tissu conjonctif mais aussi des fibres musculaires. » D’où une moindre résistance des tissus aux forces d’hyperpression.
À côté de ces facteurs génétiques, les facteurs environnementaux interviennent pour plus de 50 %. L’« effet grossesse » – étirements ligamentaires et musculaires, poids du bébé reposant sur les structures génitales, anales et urinaires, modifications hormonales –et le traumatisme obstétrical sont deux facteurs de risque majeurs. Les dégâts neurologiques proviennent pour leur part de l’étirement des nerfs, ce qui crée des lésions sphinctériennes. Un accouchement traumatique ajoute au risque pour le périnée.
La grossesse, un effet retard
« Si après quelques mois une incontinence apparue pendant la grossesse ou en post-partum immédiat peut s’améliorer avec la régénération des fibres nerveuses et une tonicité musculaire retrouvée, à la ménopause cependant, avec la carence estrogénique et le relâchement tissulaire, l’incontinence peut réapparaître », prévient Brigitte Fatton.
Car le vieillissement normal des tissus entre aussi en jeu. Avec la carence hormonale, la sentence de l’avancée en âge est double. La chute du taux d’estrogènes en post-ménopause favorise l’atrophie vaginale et l’altération des tissus, notamment ceux impliqués dans le soutènement urétral et la continence ; la compétence du sphincter urétral et sa capacité à assurer un bon verrouillage à l’effort sont amoindries. « La ménopause est une période critique durant laquelle certaines femmes, porteuses d’un risque latent mais jusque-là à peu près équilibrées au plan urinaire, vont décompenser, ajoute-t-elle. L’ajout d’estrogènes en local peut être une solution pour corriger la carence hormonale et améliorer les troubles du bas appareil urinaire, notamment l’incontinence à l’effort mais aussi par urgenturies. »
D’autres facteurs exposent les femmes à un risque accru d’incontinence à l’effort mais aussi par urgenturies, liste le Dr Jean-François Hermieu, responsable de l’unité d’urologie de la femme et d’urodynamique (hôpital Bichat, Paris). Ainsi, « l’obésité est très bien corrélée à l’incontinence, notamment celle par urgenturies. Toute hyperpression abdominale est potentiellement néfaste à l’égard du risque de fuites urinaires. à ce titre, la toux chronique comme la constipation sont des facteurs de risque réel d’incontinence d’effort. A fortiori chez les tabagiques où, de plus, le tabac accélère le vieillissement cutané et la dégradation du collagène ». Il existe aussi une relation établie entre tabac (nicotine) et les symptômes d’hyperactivité vésicale, notamment la pollakiurie et les urgences mictionnelles.
Le poids du psychisme
Enfin, le comportement et le psychisme jouent un rôle considérable dans les fuites urinaires, qu’elles soient par impériosité ou par hyperactivité vésicale. « L’observation du calendrier mictionnel permet de repérer des femmes ayant des volumes mictionnels journaliers de 3 à 4 litres avec des mictions fréquentes de faible volume, typique de petites vessies hyperactives, signale le Pr François Desgrandchamps, chef du service d’urologie de l’hôpital Saint-Louis (Paris). La rééducation des habitudes de boissons avec une réduction des volumes rend les fuites très occasionnelles voire les supprime. »
Pour celles qui souffrent d’incontinence urinaire par urgenturies, la rééducation comportementale consiste à prendre conscience que l’envie d’uriner est liée à la contraction du détrusor, plus puissante que le sphincter, mais de courte durée. L’idée est alors de détourner l’attention de la patiente durant quelques secondes de la contraction, par exemple en comptant à partir de 100 à l’envers. « Les mictions s’espaceront, assure le spécialiste. Lorsque l’esprit est libre, la vessie prend le dessus et la personne urine parce qu’elle sait que l’envie va venir, à cause du stress provoqué par la peur de la fuite. La personne qui y pense sera d’autant plus sensible au remplissage de la vessie, d’où des envies impérieuses dès les petits volumes (80-10 ml) ».
Syndrome génito-urinaire de la ménopause, le cercle vicieux de l’inactivité sexuelle
Sécheresse intime, irritations, dyspareunies, pollakiurie, cystites, incontinence… le syndrome génito-urinaire de la ménopause peut survenir dès l’amorce d’un déficit local en œstrogènes. Parmi les femmes entre 45 et 75 ans, près de 40 % rapportent des signes d’atrophie vaginale avec une sécheresse vulvo-vaginale pour 55 % d’entre elles, une dyspareunie chez 44 %, une irritation chez 37 % et un impact sur la sexualité chez 60 %. Or l’inactivité sexuelle concourt à l’atrophie vaginale. En effet, sous l’influence de l’excitation, la lubrification régulière - par le phénomène de transsudation - oxygène les cellules du vagin, du vestibule et de la vulve, ralentissant ainsi le vieillissement.
Sécheresse Pour remédier au symptôme principal, à savoir la sécheresse vulvo-vaginale, le vagin doit être hydraté, sans oublier le vestibule et la vulve, souvent plus « déshydratés » que le vagin lui-même en cas d’inactivité génitale. « Pour y remédier, ajoute le Dr Brigitte Letombe (CHRU Jeanne-de-Flandre, Lille), en plus des lubrifiants de longue durée (acide hyaluronique) et des œstrogènes locaux (ovules et crème à l’estriol ou au promestriène), un anneau vaginal qui diffuse de l’estradiol pendant
90 jours est désormais disponible. »
Inégalités Mais, pour les principales intéressées, consulter ne tombe pas sous le sens. à la question « Avez-vous consulté pour des rapports douloureux arrivant souvent
ou parfois au cours de l’année ? », 87 % des femmes répondent par la négative.
Au-delà de l’inactivité sexuelle, les femmes ne sont pas toutes égales face à la progression de l’atrophie vaginale, le surpoids et certains terrains génétiques intervenant de façon péjorative.
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