Les femmes sont plus fréquemment concernées par l’arthrose et les rhumatismes inflammatoires. Les causes sont davantage liées au système immunitaire qu’à l’influence des hormones. L’erreur serait de porter une moindre attention aux plaintes douloureuses et fonctionnelles des femmes au risque d’une perte de chance dans la prise en charge de ces pathologies.
En dehors de l’ostéoporose, l’imprégnation œstrogénique semble peu influencer les pathologies rhumatismales. Sauf peut-être dans les tendinites, qui seraient un peu plus fréquentes chez les femmes, en particulier au niveau des épaules ou des poignets, mais on manque de données pour le confirmer. Un pic de tendinites vers la ménopause évoquerait cependant une influence hormonale.
Un système immunitaire plus vulnérable
Les femmes sont beaucoup plus souvent atteintes de maladies auto-immunes, en particulier d’ordre rhumatismal, puisqu’elles représentent jusqu’à 90 % des connectivites et 70 % des polyarthrites rhumatoïdes (PR). Dans la spondylarthrite ankylosante (SpA) considérée jusqu’ici comme prépondérante chez l’homme, le développement de l’IRM et de l’échographie montre qu’elles seraient presque aussi souvent concernées. « Il est probable que leur système immunitaire diffère de celui des hommes, dans la mesure où il doit être apte à tolérer pendant la grossesse les antigènes “étrangers” d’un bébé », explique le Pr Laure Gossec (service de rhumatologie, La Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris).
Les rhumatismes inflammatoires (RI) ne sont pas plus sévères chez les femmes. On ne constate par exemple aucune différence dans la quantité ou la qualité des cytokines impliquées. Mais à gravité radiologique égale, les pathologies sont beaucoup plus symptomatiques, avec une gêne fonctionnelle, un retentissement sur la vie quotidienne plus important, une fatigue un peu particulière avec des poussées invalidantes contrastant avec l’absence de critères objectifs de sévérité. Il peut se produire un retard diagnostique, non pas tant dans la PR, souvent “bruyante”, que dans la SpA. Plutôt moins sévère que chez les hommes, avec des tableaux plus hétérogènes, des formes périphériques prédominantes et des lésions moins nettes à la radiographie standard, le diagnostic de SpA est plus difficile.
Un autre point important concerne les comorbidités. « Les RI constituent un facteur de risque cardiovasculaire, ce qu’on tend à oublier chez la femme, qui fait ainsi l’objet d’une moins bonne prise en charge que chez l’homme », souligne le Pr Gossec.
Paradoxalement, le psoriasis cutané est plus de deux fois plus fréquent chez les femmes alors que le rhumatisme psoriasique touche les deux sexes de façon égale. Les hormones ne semblent pas jouer de rôle et on sait que le THS ne modifie pas l’incidence du rhumatisme psoriasique. Comme pour les hommes, les facteurs prédictifs d’une forme rhumatismale de la maladie sont l’atteinte unguéale et les lésions cutanées étendues.
Spondylarthrite ankylosante, quand la fibromyalgie s’en mêle
La prévalence de la fibromyalgie (FM) serait de 20 % dans la PR, de 20 à 30 % en cas de SpA. L’existence d’une FM complique le diagnostic, en particulier de la SpA, devant des douleurs multiples au niveau des enthèses ou des articulations et en l’absence fréquente de signes objectifs. Une étude du Dr Anna Molto (hôpital Cochin, Paris) montre aussi qu’elle fausse l’évaluation de l’efficacité thérapeutique, basée essentiellement sur le ressenti de la personne. Pour le médecin, il peut être donc difficile de faire la part entre une SpA mal contrôlée, qui amène à modifier le traitement de fond, et des symptômes “FM-like”, ce qui peut ajouter à la discordance entre symptomatologie et décision thérapeutique chez la femme.
Obésité et tabac
À côté de l’implication des systèmes immunitaires, d’autres facteurs sont à considérer en cas de maladie ostéo-articulaire. Le tabac favorise la survenue et l’aggravation des RI. Aucune étude n’a mis en évidence de différences entre les femmes et les hommes pour une éventuelle susceptibilité au tabac. Un quart des patients atteints de RI fument, et il faut conseiller à ces femmes comme aux hommes d’arrêter de fumer.
Dans les deux sexes, l’obésité est une comorbidité associée dans le rhumatisme psoriasique, mais son rôle dans la SpA ou la PR n’a pas été démontré. Par contre, l’efficacité des anti-TNF, dont la posologie est indépendante du poids, serait diminuée chez les obèses qui seraient ainsi “sous-dosés”. L’obésité est clairement impliquée dans le développement et le pronostic de l’arthrose sans qu’on ne sache si son rôle diffère chez la femme. Quel que soit le sexe, la prévention et le traitement de l’arthrose commencent par une réduction pondérale !
Une plainte moins bien considérée
Qu’il s’agisse de l’arthrose ou des RI, à lésions identiques, la douleur et le handicap fonctionnel sont plus importants chez les femmes. Ressenti de la maladie ou manière de l’exprimer différents, particularités physiologiques, difficile de faire la part des choses. Quoiqu’il en soit, toutes les études concordent pour montrer que dans l’arthrose les hommes bénéficieront d’une prothèse pour un niveau de douleur moins élevé que chez la femme. Et, en cas de RI, pour une plainte identique, il recevra plus facilement une biothérapie que la femme.
« On voit plus de femmes que d’hommes en rhumatologie, poursuit le Pr Gossec, car elles sont plus exposées aux pathologies auto-immunes et rapportent plus volontiers leurs symptômes, mais paradoxalement elles ne reçoivent pas toujours le traitement optimal. » Soit qu’elles ne sont pas assez entendues, que leurs plaintes sont parfois déconsidérées, ou que le médecin se base plus sur des critères d’imagerie pour sa décision thérapeutique ou qu’il éprouve des difficultés à gérer la douleur parfois très envahissante. On manque encore d’études pour préciser ce qui sous-tend cette fatigue et cette douleur importantes chez la femme et comment l’améliorer. On pourrait proposer davantage une prise en charge plus globale, aller plus loin que les antalgiques ou les immunosuppresseurs pour s’intéresser aux éventuels troubles anxiodépressifs associés et envisager d’autres mesures comme l’éducation thérapeutique, l’hypnose, la relaxation, etc.
La goutte moins fréquente et plus souvent iatrogèneLa goutte concerne très peu les femmes, et dans ce cas elle est généralement associée à une cause iatrogène, comme certains diurétiques ou chimiothérapies ou à une anomalie familiale du métabolisme de l’acide urique. La prédominance masculine n’a probablement pas de lien avec l’alimentation qui ne semble plus être un élément clef, mais serait plutôt due à des différences dans la synthèse des bases puriques.
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