En raison des douleurs chroniques, l'endométriose a un retentissement émotionnel, cognitif, comportemental et socio-économique, avec un repli sociétal et familial. D’où l’importance de soulager au maximum les patientes.
Les traitements médicamenteux de la crise comprennent les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Comme ils sont facilement disponibles, il faut s’assurer de ce qui est pris dès la première consultation et vérifier qu'il n’y a pas de surconsommation. « Il n'y a pas de recommandation spécifique dans l'endométriose pour le paracétamol, le néfopam, le tramadol ou les opioïdes. Ce que l'on peut conseiller est d'utiliser les paliers les plus faibles dans un premier temps, en association : par exemple, AINS + paracétamol ou AINS + codéine, ou encore tramadol + AINS + paracétamol. Le néfopam, désormais disponible par voie orale, peut être prescrit à raison de 1 à 4 comprimés de 30 mg par jour (1 en début de crise, 6 au maximum) », estime le Dr Johan Leclerc, médecin de la douleur, spécialiste de l'endométriose (CHU Amiens-Picardie). L'usage chronique des antalgiques de palier 3 n'est pas recommandé, mais ils peuvent être utilisés de façon épisodique et exceptionnelle dans les douleurs de crise, la prescription se faisant sur une durée très limitée.
Dans tous les cas, l'éducation thérapeutique est utile pour rappeler aux patientes de traiter dès le début de la crise, surtout sans attendre que la douleur soit maximale, comme elles le font encore trop souvent.
En cas de douleurs de type neuropathique ou nociplastique, un traitement de fond spécifique peut être à envisager. « Il repose en première intention sur la duloxétine (en débutant par 5 mg) ou la venlafaxine, en augmentant progressivement par paliers en fonction de la tolérance et de la réponse clinique, pour trouver la dose efficace minimale au long cours. Sinon, sont prescrits les antidépresseurs tricycliques, là aussi à faible dose (Laroxyl en débutant à 4-5 gouttes, voire 2 gouttes le week-end pour celles qui travaillent), puis en seconde intention viennent la gabapentine 100 mg (3 par jour en augmentant en fonction de la réponse clinique et de la tolérance) ou la prégabaline, ces traitements étant à réévaluer à 6-8 semaines » a précisé le Dr Leclerc.
De nouvelles approches à l’étude
D'autres traitements sont encore en cours d'évaluation comme la toxine botulique, utilisée au niveau des muscles du plancher pelvien et au niveau du vestibule, avec à la clé une action anti-inflammatoire et antalgique sans effets secondaires ou très peu. Il faut cependant répéter les injections 6 à 8 semaines après la première infiltration pour en espérer un bénéfice sur 3 à 6 mois.
Le salbutamol est également intéressant en traitement de crise pour obtenir un relâchement musculaire à raison d'une à deux bouffées 6 à 8 fois dans la journée, mais avec pour principal effet secondaire une tachycardie. La kétamine et l'eskétamine font aussi l'objet de travaux actuellement.
La neurostimulation gagne du terrain
Restent les traitements non médicamenteux, complémentaires, qui représentent une aide à l'autonomisation. En première ligne, la neurostimulation électrique transcutanée (Tens) est recommandée avec un suivi à 1, 3, 6 mois. Un programme d'éducation thérapeutique est utile pour que la patiente sache où installer les électrodes en fonction des sites douloureux, le nombre d'utilisation chaque jour, etc. « On peut aussi utiliser la neurostimulation du nerf tibial postérieur quand les douleurs sont réfractaires ou pour les symptômes urinaires, anorectaux et certaines douleurs pelviennes », précise le Dr Leclerc. La neurostimulation transcutanée en association à la neurostimulation vagale est plus efficace que chacune séparément sur les troubles vésicaux et fonctionnels digestifs. Une séance de neurostimulation vagale le soir, en écoutant de la musique, s'apparente à un temps de relaxation intéressant. La tolérance est bonne mais une rare douleur de l'oreille est parfois rapportée. La neurostimulation est remboursée depuis quelques semaines à hauteur d'environ 12 euros et certaines mutuelles remboursent avec un reste à charge quasi nul.
L'activité physique adaptée (APA) a aussi un impact organique et psychologique à condition que l'exercice physique soit régulier. Le principal levier est la motivation car il faut compter 3 à 6 mois pour obtenir des résultats. Viennent, en complément, la kinésithérapie, la médecine manuelle et l'ostéopathie pour corriger les déséquilibres posturaux et des douleurs projetées venant de l'appareil musculosquelettique.
D’après la session « Douleur et endométriose »
L’évaluation psychologique, primordiale
En cas d’endométriose douloureuse, « une évaluation par un psychologue est primordiale. Peuvent ensuite être proposées les thérapies comportementales et cognitives (TCC) pour apprendre à s'adapter à la gestion de la douleur et améliorer sa flexibilité psychologique afin d'obtenir une meilleure réponse face au retentissement sur la qualité de vie et l'anxiété », a insisté le Dr Leclerc. L'hypnose (dans la douleur aiguë) et l'autohypnose dans la gestion des crises douloureuses ont leur place. L'EMDR est plutôt réservée à la prise en charge d'un éventuel stress post-traumatique. L'auriculothérapie avec des aiguilles semi-permanentes donne des résultats intéressants dans les bouffées de chaleur et l'anxiété. Dans la douleur aiguë, la réalité virtuelle permet une réduction de la douleur de 30 à 50 % mais il n'y a pas encore de protocole dans l'endométriose. Quant à la musicothérapie, elle est utile pour lâcher prise, diminuer la douleur et favoriser la verbalisation.
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