Les recommandations de prise en charge des infections urinaires (IU), établies par l’Afssaps en 2007-2008, sont devenues partiellement caduques du fait de l’augmentation des résistances des entérobactéries, de la réévaluation de la balance bénéfice/risque de certains anti-infectieux comme la nitrofurantoïne et aussi de données scientifiques nouvelles.
Aussi, la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) a engagé un travail de révision, ayant constitué à cette fin un groupe multidisciplinaire, en partenariat avec toutes les sociétés savantes concernées. En ce début 2014, le groupe a rendu l’essentiel des arbitrages, sous-tendus par les réflexions suivantes :
Cadres nosologiques
La grande nouveauté concernant les cadres nosologiques portera sur les prostatites, qui devraient désormais être dénommées IU masculines. Ce, à la fois pour être davantage en phase avec la littérature internationale et parce que, à côté de tableaux francs effectivement à type de prostatite, il existe deux autres types de situations : les pyélonéphrites aiguës (PNA) masculines d’une part ; les formes paucisymptomatiques d’autre part, qui se rapprochent pour certains aspects des cystites compliquées de la femme, avec une antibiothérapie différée chaque fois que possible.
Critères du choix thérapeutique
À côté de l’efficacité et de la tolérance, l’effet collatéral sur les flores, sera pris en compte pour choisir les thérapeutiques. Particulièrement mis en exergue, l’effet sur les flores digestives, avec une hiérarchie des molécules qui est aujourd’hui bien établie : globalement, la fosfomycine, la nitrofurantoïne et le pivmécillinam sont quasiment dépourvus d’effet... A contrario, ont un très fort effet sélectionnant, les céphalosporines de troisième génération (C3G), les fluoroquinolones et, dans une moindre mesure, l’association amoxicilline-clavulanate et le cotrimoxazole.
Seuils d’antibiorésistance admissibles
Pour l’antibiothérapie probabiliste, les choix de seuils sont calés sur les taux de résistance d’Escherichia coli. • Pour les PNA et IU masculines, il est admis qu’il ne faut retenir que les classes thérapeutiques pour lequel le taux de résistance dans la population ciblée ne dépasse pas10 %.
• Pour les cystites simples, dont le risque de transformation en PNA est très faible, le taux peut atteindre20 %.
• Pour les cystites gravidiques, il semble souhaitable de s’en tenir à 10 % de risque de résistance.
• Pour les formes les plus sévères d’IU avec choc septique, la prise de risque en termes de résistance doit être minimale, inférieure à 10 %.
Épidémiologie de la résistance
De nombreuses séries récentes soulignent d’importantes variations des résistances selon les populations étudiées.
• Chez les patientes souffrant de cystite simple – population peu exposée aux antibiothérapies et aussi aux hospitalisations – le taux de résistance d’E. coli est inférieur à 10 % pour les fluoroquinolones et très nettement inférieur à ce chiffre pour les C3G. Quant à la résistance au cotrimoxazole et au pivmécillinam, elle est inférieure à20 %.
• De la même façon, des taux faibles sont anticipés chez les femmes jeunes souffrant de PNA simples ou d’IU gravidiques, toujours à la condition qu’elles soient peu exposées aux hospitalisations et aux antibiothérapies.
• Pour les IU à risque de complication, le taux de résistance d’E. coli aux C3G reste globalement très inférieur à 10 %. En revanche, il atteint 10 % pour les fluoroquinolones – tantôt un peu moins, tantôt un peu plus selon les études. Aussi, l’usage probabiliste de cette classe ne peut s’envisager qu’avec prudence, et certainement pas en situation de sepsis grave.
• Enfin, dans toutes les formes d’IU, les taux de résistance d’E. coli restent faibles ou très faibles vis-à-vis de la fosfomycine, de la nitrofurantoïne, des aminosides (avec un discret avantage de l’amikacine sur la gentamicine, surtout net sur les entérobactéries productrices de bêtalactamase à spectre étendu [EBLSE]) et, bien sûr, des carbapénèmes.
Positionnement des fluoroquinolones
L’esprit des recommandations n’est pas de bannir totalement les fluoroquinolones pour le traitement des PNA et des IU masculines, du fait de leur la maniabilité précieuse en ville, de leur très bonne diffusion dans la prostate. Sans compter que garder un volume de prescriptions probabilistes pour cette classe permet d’éviter le switch vers le « tout C3G », avec son corollaire qui est de favoriser ensuite la résistance à cette classe.
A contrario, pour les cystites, leur usage doit être limité au maximum pour des raisons écologiques.
Stratégie spécifique aux EBLSE
Pour la première fois, les arbres décisionnels des PNA et des IU masculines devraient prendre en compte le risque spécifique des EBLSE, tant pour les choix probabilistes – chez les patients ayant un antécédent d’infection ou colonisation par ces bactéries multirésistantes – que pour l’adaptation selon l’antibiogramme.
Infectiologie, Rouen.
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