Comment rendre justice après un crime commis par une personne au jugement aboli ou altéré lors des faits, en particulier lorsqu'elle a consommé une substance toxique ? La question ne cesse d'interroger dans le sillage de l'affaire Sarah Halimi. Son meurtrier, pris d'une bouffée délirante aiguë, a été déclaré irresponsable pénal alors que le rôle du cannabis sur sa santé mentale divise les experts.
Après le rapport des avocats Dominique Raimbourg et Philippe Houillon ainsi qu'une proposition de loi sénatoriale, et dans l'attente d'un projet de loi gouvernemental attendu fin mai et toujours en cours d'examen devant le Conseil d'État, deux députés avocats de profession, Naïma Moutchou (LREM) et Antoine Savignat (LR), viennent de remettre les conclusions de leur mission à la commission des lois de l'Assemblée nationale.
Conserver l'article 122-1 du Code pénal (encore et toujours)
Comme le rapport Raimbourg-Houillon, et comme finalement la proposition de la sénatrice Nathalie Goulet, les députés insistent sur l'importance de conserver inchangé l'article 122-1 du Code pénal qui stipule que « n'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ».
Faut-il préciser davantage les notions de troubles psychiques et neuropsychiques, ou d'altération et d'abolition ? Non répondent les députés, en insistant sur l'importance de laisser une large part d'appréciation au juge, éclairé (mais non contraint) par les experts psychiatriques.
Révoquer le 122-1 quand il y a intoxication volontaire
« Conserver inchangé l'article 122-1 n'interdit toutefois pas de créer des cas d'exclusion de son application », écrivent Naïma Moutchou et Antoine Savignat. Aussi proposent-ils d'écarter du champ d'application du 122-1, les situations où l'abolition a été délibérée, par l'intoxication volontaire de l'auteur, de manière à faciliter la commission de l'infraction (avec préexistence de l'intention criminelle). Une option qui a suscité une unanimité lors des auditions, notent les rapporteurs, précisant que c'est par exemple le cas des djihadistes qui ingurgitent du captagon avant leurs forfaits. Selon certains spécialistes auditionnés, l'exclusion de l'irresponsabilité pénale est déjà une pratique courante de la part des experts, lorsque le projet criminel est antérieur à son exécution.
Les ruptures de traitements ou mauvaises prescriptions médicales hors champ
Les députés préconisent alors de créer une nouvelle infraction qui réprimerait le fait de s'intoxiquer délibérément et de commettre une atteinte à la vie ou à l'intégrité d'une personne, dans un état d'abolition temporaire du discernement provoqué*. Les députés entendent sanctionner seulement l'intoxication délibérée, donc pas un empoisonnement, une ingestion accidentelle, une mauvaise prescription médicale, ou une rupture de traitement − une situation relativement commune chez certains malades psychiatriques, soulignent-ils.
Ils soulignent aussi que cette infraction vise les personnes dont l'abolition du jugement n'a été que temporaire : « Les effets durables voire définitifs doivent continuer de faire obstacle à la tenue d'un procès dans la mesure où l'accessibilité de l'auteur des faits à la sanction pénale est nécessaire. »
Leur peine devrait être inférieure à celle encourue en cas de meurtre ou de violences volontaires, contrairement au Sénat. Les députés se distinguent aussi en demandant le maintien de la compétence de la chambre de l'instruction sur la déclaration d'irresponsabilité (ce qui est le cas depuis 2008), alors que les sénateurs souhaitaient qu'en cas de prise d'alcool ou de stupéfiant, les auteurs soient renvoyés devant le tribunal correctionnel (s'il s'agit d'un délit) ou la cour d'assises (pour un crime) qui statuerait sur sa responsabilité pénale. Enfin, les députés rejoignent les sénateurs sur la nécessité de réformer l'expertise psychiatrique.
* Une solution juridique qui repose sur la théorie de la « faute antérieure », qui maintient une responsabilité pénale dès lors que l'infraction résulte d'une « complaisance envers soi-même ».
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