Le point de vue de François Jolivet*

Pour un débat apaisé avec les familles, les professionnels et les associations

Publié le 20/02/2020

Le député de l'Indre fait partie de ceux qui ont voté début février contre la proposition de loi UDI allongeant le congé pour décès d'un enfant. Il ne regrette pas son vote et explique pourquoi. Il réclame un dispositif plus ambitieux pour conforter les médecins dans leur role et soutenir les familles endeuillées.

jolivet

Crédit photo : DR

L’immédiateté, l’hyperréactivité, l’emballement numérique, ont une nouvelle fois pris le pas sur la raison. Ils ont confisqué un débat majeur, qui doit s’appréhender avec hauteur, au profit de la lumière des projecteurs et de l’ego des statistiques sur twitter. Dans une société où tout semble s’être accéléré, faire le choix de la visibilité médiatique au prix et mépris des souffrances n’est pas ma conception de l’action publique.

La question du deuil d’un enfant mineur est un sujet sensible, qui implique de la retenue. La perte d’un enfant est une plaie ouverte à vie, et celles et ceux qui sont malheureusement confrontés à ce drame ne peuvent être instrumentalisés à des fins politiques. Cela, me semble-t-il, a été le cas et nous devons collectivement condamner ces agissements et prendre un recul synonyme de respect envers ces familles.

Dans un hémicycle vide, qui peut estimer que 12 jours suffisent à se reconstruire après le drame d’une vie ? Qui peut d’ailleurs estimer que le deuil se mesure à de seules dispositions calendaires, et penser qu’il existe une « uniformité de la douleur » ? La triste réalité, c’est qu’il existe une multitude de situations, de réactions, de choix, qui n’appartiennent qu’à celles et ceux qui doivent affronter cette peine intime.

Ce type de sujet ne doit pas être traité dans l’urgence, au détour d’un débat sclérosé par de la politique politicienne et où le fond est manqué. À l’unisson, nous devons aller plus loin, agir plus fort et surtout réunir toutes les conditions d’un débat apaisé et concerté.

Conforter le médecin, maillon essentiel

Notre réflexion doit porter sur l’égalité des personnes en fonction de leur statut, de l’épreuve qu’elles subissent, et sur l’accompagnement des situations. Plus encore, nous devons placer au cœur de cette réflexion le médecin, qui demeure la pierre angulaire de la protection de ce qu’il a de plus de cher : son patient. Le médecin, c’est l’écoute, l’empathie et un consentement éclairé. C’est le maillon essentiel de la chaîne du deuil, parce qu’il est bien souvent le relai de confiance des familles. Il est celui qui est le mieux placé pour accompagner, et notamment signer des arrêts de travail quand cela est nécessaire.

Je souhaite que les médecins soient confortés dans l’exercice de leur fonction, pour qu’ils puissent continuer à protéger leurs patients victimes de ces deuils. Je ne souhaite pas qu’ils renoncent à signer des arrêts de travail, parce que le Parlement aurait adopté une règle de 12 jours ou autre.

La polémique est d’autant plus incompréhensible, qu’elle a étouffé la parole de ces professionnels. Nous devons prendre conscience que tous les sujets ne sont pas politiques, et que le « monopole de l’humanité » n’appartient pas à celles et ceux qui ont voté « pour » ou qui n’étaient même pas présents. Un vote, qu’il soit favorable ou non, ne peut d’ailleurs prétendre à cela.

J’appelle à ne pas céder aux sirènes de l’emballement médiatique, et à ne pas céder le débat à d’auto-proclamés porte-paroles. Prendre du recul, pour paradoxalement faire avancer le débat, est une nécessité. Il est urgent de laisser la parole aux associations de familles victimes, aux médecins et à tous les professionnels qui accomplissent au quotidien un travail exceptionnel d’écoute et d’accompagnement.

* Député LREM de l'Indre

Source : Le Quotidien du médecin