Inspiré des émissions culinaires qui remplissent désormais une bonne partie des grilles des programmes de la télévision, le concours Silver Fourchette qui s’est déroulé à Paris le 23 mai dernier a cependant une finalité bien particulière.
Il récompense en effet le meilleur chef cuisinier exerçant en EHPAD (cette année Christophe Feltin de la résidence des Tilleuls à Terville, Moselle) et met en avant l’importance primordiale que revêt le soin apporté à l’alimentation dans un contexte qui réunit des personnes menacées plus que d’autre par la dénutrition. Le Pr Éric Fontaine, président de la Société francophone de nutrition clinique et métabolisme (SFNEP) et initiateur du Collectif de lutte contre la dénutrition le rappelle : « 30 à 35 % des patients hospitalisés souffrent de dénutrition, soit environ 2 millions de personnes en France. » Ce phénomène qui s’apparente à « une maladie silencieuse » et qui est de fait « difficile à diagnostiquer au premier abord » est finalement, pour le Pr Agathe Raynaud-Simon, gériatre à Paris aux hôpitaux Bichat et Beaujon, « une pathologie largement ignorée ». Un défaut dans le système sanitaire qui procède essentiellement d’un manque de moyens et de personnels formés. « On considère trop souvent la dénutrition comme un symptôme et non comme une maladie », regrette le Pr Fontaine qui dénonce le nombre d’heures insuffisant (souvent pas plus de 5) consacré à cette problématique dans le cursus d’enseignement.
Pour un dépistage systématique chez les personnes à risque
Afin de répondre concrètement à la difficulté ou au refus de s’alimenter de certains des patients des EHPAD dans lesquels ils officient, les chefs cuisiniers de ces établissements doivent redoubler d’inventivité et souvent transformer la nourriture pour la rendre plus simple à ingérer et plus appétissante. C’est ainsi que sont nés les plats à « texture modifiée » ou le principe du « manger-main » qui permet à certains patients de pouvoir manger seuls, sans couverts et à leur rythme. Si « forcer quelqu’un à manger peut être considéré comme de la maltraitance », ainsi que le souligne le Pr Raynaud-Simon, il est plus éthique et efficace de prendre du temps pour déceler les raisons de cette anorexie. D’autant que, contrairement au ressenti des personnels d’EHPAD, les spécialistes s’accordent à dire que près d’un tiers de leurs résidants souffre de dénutrition. Un chiffre qui, selon le Pr Fontaine, « n’est pas lié à la structure en tant que telle et au personnel qui a tendance à ne pas s’en rendre compte, car il s’investit pleinement dans sa mission ». Si les raisons qui entraînent cette perte de poids morbide ne sont donc pas à chercher au sein même des institutions, elles peuvent se trouver dans « la persistance de tabous alimentaires contre lesquels il faut lutter », explique le Pr Raynaud-Simon. Ainsi, « les gens qui souffrent de perte de poids se privent souvent pour des raisons qui ne correspondent plus à leur condition actuelle ». Il est également important de « dépister précocement et de prendre en charge les maladies souvent associées à cette dénutrition ». Malgré une élévation du niveau de preuve associant une meilleure alimentation des malades et des personnes âgées à une augmentation de la qualité et de l’espérance de vie, le Pr Fontaine déplore qu’il n’y ait « pas encore assez de formation, de motivation et de temps alloués à la prise en charge de cette pathologie ». Un avis partagé par le Pr Raynaud-Simon qui appelle de ses vœux « une implémentation systématique du dépistage de la dénutrition pour les personnes à risque ».
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