La dépression est fréquente chez le sujet âgé, sa prévalence variant considérablement en fonction des populations étudiées.
« Certaines études ont retrouvé une prévalence de la dépression particulièrement élevée chez les personnes âgées résidant en institution de type EHPAD, jusqu’à plus d’un tiers des sujets », rappelle le Pr Fréderic Limosin, chef du service de Psychiatrie de l’adulte et du sujet âgé à l’hôpital Corentin-Celton (APHP, Issy-les-Moulineaux). On sait également que les formes dites « masquées » de dépression sont plus fréquentes chez les personnes âgées, qui expriment moins spontanément leurs affects dépressifs (tristesse, pessimisme, anhédonie, perte de l’élan vital…) au profit de symptômes fonctionnels, de plaintes somatiques ou encore de troubles cognitifs. Or, ne pas repérer un état dépressif expose au risque de ne pas le traiter, avec toutes les conséquences qui en découlent chez le senior : altération de la qualité de vie, perte d’autonomie fonctionnelle, morbi-mortalité accrue, incluant le risque de passage à l’acte suicidaire. En dehors de ce risque suicidaire, certaines études font état d’une surmortalité de 10 % à un an des patients âgés déprimés par rapport aux non-déprimés (2).
L’autre frein au diagnostic de dépression est lié au regard porté par la société, mais parfois aussi par le patient lui-même, avec la croyance erronée que la tristesse, le repli sur soi, voire l’existence d’idées noires sont associés au vieillissement, sans toujours devoir relever d’une prise en charge médicale adaptée. Pour le Pr Limosin, « identifiés chez le sujet âgé déprimé, ces schémas cognitifs inadaptés doivent être contrés, notamment dans le cadre d’une approche de type cognitivo-comportemental. »
Antidépresseurs et psychothérapie
Traiter la dépression est un impératif, en conjuguant antidépresseurs et psychothérapie. « Dans la dépression, les sujets âgés tirent profit des mêmes psychothérapies que celles recommandées chez l’adulte non âgé, notamment dans le cadre de la prise en charge des symptômes résiduels et de la prévention des rechutes », insiste le psychiatre. En cas de dépression sévère, d’isolement, d’altération marquée de l’état général et/ou de risque suicidaire, la personne âgée déprimée devra être hospitalisée en service spécialisé. En effet, le taux de suicide pour 100 000 est quatre fois supérieur à celui de l’adulte jeune (3).
La dépression du sujet âgé répond de manière aussi efficace au traitement antidépresseur que celle des adultes plus jeunes. Personnes âgées ou non, les molécules sont identiques, néanmoins la prise en charge médicamenteuse doit tenir compte de plusieurs paramètres, en premier lieu les modifications pharmacocinétiques liées au vieillissement : la diminution de l’absorption, la diminution de la fixation protéique, l’augmentation du volume de distribution des médicaments lipophiles, la diminution du métabolisme hépatique et de l’excrétion rénale ainsi que les interactions avec le cytochrome P450 en cas de polymédication.
« La tolérance est moins bonne chez le senior en cas de pathologies somatiques associées, précise Fréderic Limosin, notamment cardiaques. Il est donc essentiel de respecter les contre-indications des molécules prescrites, et d’être particulièrement vigilant aux effets anticholinergiques de certaines d’entre elles, susceptibles de renforcer des troubles cognitifs. » Ces précautions prises, il faudra prendre garde à ne pas stopper trop tôt un traitement ; le délai d’action des antidépresseurs est différé par rapport à l’adulte plus jeune, et au lieu de trois semaines, on ne peut conclure à l’inefficacité d’un traitement bien conduit avant au moins six semaines chez le senior.
Article précédent
La rééducation intensive, une arme supplémentaire dans la lutte contre la maladie
Article suivant
Dans l’attente d’un feu vert ministériel
Des mesures simples comme la surveillance du poids corporel
Les bienfaits de l’activité physique
Savoir repérer le patient
Une personne fragile, à protéger
Des mesures pour prévenir et prendre en charge leur souffrance
La rééducation intensive, une arme supplémentaire dans la lutte contre la maladie
Ne pas laisser une dépression sans traitement
Dans l’attente d’un feu vert ministériel
Des pistes pour repérer et mettre fin à la maltraitance
Le diagnostic positif est clinique
Les dispositifs SAPTE restent trop méconnus
Il y a toujours quelque chose à faire
Mieux comprendre
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024