La recrudescence de la syphilis n'est pas récente puisqu'elle date des années 2000. Dans les pays occidentaux, elle touche surtout les populations exposées au VIH (HSH). Le réseau de surveillance des infections sexuellement transmissibles (ResIST) composé de cliniciens volontaires contribuant à la surveillance de la syphilis et la gonococcie fait état de cette augmentation. Pour le Pr Nicolas Dupin (AP-HP Cochin. CNR des IST bactériennes. Responsable de l’expertise Syphilis), elle est indirectement liée au développement des traitements du VIH par les antirétroviraux qui s'est accompagné d'un relâchement de la prévention (préservatif). En cause également, l'augmentation des rapports buccogénitaux et anogénitaux quasiment jamais protégés.
« Le tréponème ne va pas rester cloisonné aux populations à risque qui sont en général dépistées plus régulièrement (Prepeurs), explique également le Pr Dupin. On voit déjà d'autres patients qui consultent avec des syphilis tardives. C'est important que l'infection soit reconnue dès les premiers signes pour pouvoir être traitée précocement ». Il faut savoir l'évoquer devant toute ulcération muqueuse, toute lésion cutanée. Elle peut aussi débuter par des infections graves telles que des invasions du système nerveux central, des atteintes neuroméningées, des atteintes ophtalmiques variées dont des uvéites, des atteintes des nerfs périphériques se manifestant par une paralysie faciale ou un syndrome vestibulaire. Le diagnostic biologique est dans tous les cas incontournable. Depuis 2019, le dépistage repose sur un examen sérologique unique de type Elisa. En cas de positivité, celui-ci doit être confirmé par un test non tréponémique (VDRL) et l'ensemble doit être interprété en fonction des risques et de la clinique.
Les lignes n'ont pas beaucoup bougé sur le plan thérapeutique. La benzathine pénicilline G (Extencilline) en traitement minute reste la référence. Elle est recommandée par toutes les Sociétés savantes car efficace à 95-97 %. En revanche, ce qui a bouleversé la prise en charge des patients, ce sont les pénuries de cette molécule enregistrées en 2013 et 2017. Si la situation semble s'être apaisée, la crainte d'une nouvelle tension d'approvisionnement qui pourrait menacer à nouveau les patients est palpable chez le Pr Dupin. Car il n'existe aujourd'hui aucune alternative thérapeutique équivalente à la benzathine pénicilline G.
N. gonorrhoeae
Le paysage de l'infection à gonocoques s'est transformé au cours de la dernière décennie. L'incidence estimée à 39 pour 100 000 personnes en France en 2015 (78 pour 100 000 en Ile-de-France) a triplé en 2018. Une recrudescence liée à un retour des comportements à risque. « Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) ne se protègent plus des IST bactériennes depuis l'arrivée de la PrEP », souligne le Pr Béatrice Berçot (AP-HP St Louis. CNR des IST bactériennes. Responsable de l’expertise gonococcie). « Et le gonocoque ne fait pas peur. Cette recrudescence est aussi la résultante d'une meilleure estimation du réservoir », ajoute-t-elle grâce au diagnostic par la PCR et à un certain nombre d'essais (Ipergay, Remind, etc.).
L'évolution rapide de la résistance aux antibiotiques du gonocoque a été largement documentée. Le germe a, par des mécanismes moléculaires intrinsèques, une capacité de mutation très rapide. À cela s'ajoutent des souches résistantes importées d'Asie qui amplifient ce phénomène. Après l'apparition des résistances à la pénicilline et aux tétracyclines, les premières résistances aux fluoroquinolones ont débuté dans les années 1990. Puis, elles ont concerné les céphalosporines de troisième génération (C3G) avec un pic observé en 2012. Les sociétés savantes européennes ont alors préconisé une bithérapie associant ceftriaxone et azithromycine pour enrayer cette impasse thérapeutique. L'utilisation de l'azithromycine est aujourd'hui remise en question en raison d'une résistance qui s'élève à plus de 5 % en Europe. De nouvelles recommandations thérapeutiques sont attendues et de nouvelles molécules et associations sont à l'étude. Parmi les pistes qui méritent aussi une attention particulière, la vaccination antiméningococcique (Bexsero). Selon une étude australienne, elle pourrait avoir une action sur le gonocoque et diminuerait significativement la prévalence de la gonococcie.
Dans ce contexte thérapeutique, le Pr Berçot insiste sur l'importance du dépistage de ces souches résistantes. De même, toute PCR positive trois semaines après un traitement bien conduit signe soit une récidive soit une résistance. Dans ce dernier cas, elle invite les biologistes à consulter le site du Centre national de référence (https://www.cnr-ist.fr) et à adresser les prélèvements et les souches résistantes à cette institution pour expertise complémentaire et suivi organisé de cette résistance.
Article précédent
Les IST bactériennes en hausse en France
Article suivant
Les promesses de la vaccination anti-HPV 9 valences
Les IST bactériennes en hausse en France
Les comportements à risque mis en cause
Les promesses de la vaccination anti-HPV 9 valences
La PrEP protège du VIH mais ne fait pas régresser l'épidémie
Les CeGIDD, un maillon essentiel de la santé sexuelle
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024