EN AVRIL 2010, le juge new yorkais Robert W. Sweet remettait en cause certains brevets sur les gènes de susceptibilité du cancer du sein et de l’ovaire et la décision était saluée par les opposants à la brevetabilité du vivant comme historique et emblématique. Le jugement invalidait 7 des 23 brevets détenus par Myriad Genetics et l’université d’Utah portant sur les gènes BRCA1 et BRCA2, le juge a estimant que ces brevets n’auraient pas dû être accordés puisqu’ils portaient sur des « produits de la nature » et ne résultaient pas d’une invention humaine.
La bataille judiciaire est loin d’être terminée. Myriad Genetics a fait appel. C’est dans ce cadre que trois juges de la Cour d’appel fédérale de Washington ont entendu les différentes parties, qui ont pu exposer leurs arguments pendant plus d’une heure et devant une centaine de personnes, une durée et un succès populaire tout à fait inhabituels, selon le « Salt Lake Tribune ».
« Le gène est un produit de la nature et n’est pas davantage brevetable qu’un rein humain », a plaidé Chris Hansen, avocat de l’Organisation américaine de défense des libertés publiques (American Civil Liberties Union, ACLU). Une position que partage le collectif, à l’origine de la plainte déposée en mai 2009 contre Myriad Genetics, comprenant, outre l’ACLU, la Public Patent Foundation, des sociétés savantes (Association for Molecular Pathology, American College of Medical Genetics, American Society for Clinical Pathology, College of American Pathologists), des associations de patients, des médecins et des malades.
Libre partage.
L’American Medical Association (AMA) a remis un document, signé également par les autres sociétés savantes, où elle affirme : « Il est fondamental pour les soins aux patients comme pour la recherche médicale que le matériel biologique et l’information scientifique que Myriad Genetics a cru pouvoir s’approprier soit librement partagé, utilisé et analysé. »
Neal Katyal, principal avocat de l’administration Obama, a rappelé la position du gouvernement en faveur de la décision du juge Sweet, qui « établit une distinction fondamentale entre l’invention humaine et les produits de la nature », ces derniers ne pouvant être protégés par les lois sur la propriété intellectuelle. Selon les observateurs, cette nouvelle position de l’État fédéral est un tournant significatif : ce type de brevets est octroyé depuis des années, la Cour suprême ayant, par le Patent Act de 1980, admis le principe de la brevetabilité du vivant. Environ 20 % des gènes humains font l’objet d’un brevet pour un marché estimé déjà à plusieurs milliards de dollars.
Les défenseurs de Myriad Genetics et de l’université l’Utah, codétenteurs des brevets, soulignent la nécessité de tels brevets. Un affaiblissement de la propriété intellectuelle sur les gènes risquerait, selon eux, de rendre plus difficile pour les sociétés de biotechnologie la levée de fonds indispensable au développement des tests génétiques. Or ceux-ci sont de plus en plus utilisés pour le diagnostic mais aussi pour déterminer les meilleurs traitements. Ils estiment par ailleurs que « l’ADN isolé n’existe pas dans la nature et n’existera jamais dans cette forme ».
Les juges devraient rendre leur décision dans les trois mois. Le combat américain fait suite à celui mené par la communauté scientifique et médicale en France, notamment l’Institut Curie, l’Institut Gustave-Roussy, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, mais aussi en Europe, en Suisse, aux Pays-Bas et en Allemagne. En avril 2010 (« le Quotidien » du 2), le Pr Dominique Stoppa-Lyonnet (Institut Curie, université Paris-Descartes), une des premières à avoir lancé la révolte, qualifie d’ailleurs la décision du Robert W. Sweet d’« inespérée » tant les brevets de Myriad Genetics sont devenus « emblématiques de la brevetabilité du gène et du gnéome ».
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