En quelques mots, l’épigénétique désigne
« tout mécanisme qui correspond à une régulation du génome sans altérer la séquence nucléotidique », résume la Dr Valérie Siroux, de l’unité Inserm de recherche en épidémiologie environnementale appliquée à la reproduction et à la santé respiratoire, à l’université Joseph Fourier (Grenoble). « Il s’agit de modifications de l’expression des gènes qui ne va pas dépendre de la séquence d’ADN, qui peuvent être stables dans le temps à travers les divisions cellulaires, à travers les générations et qui peuvent persister même en l’absence des conditions qui en sont à l’origine. C’est ce qu’on appelle la mémoire biologique », précise-t-elle. Pour le Pr Jonathan Weitzman, directeur de l’unité CNRS « épigénétique et destin cellulaire » à l’université Paris-Diderot, l’épigénétique laisse entrevoir de réelles promesses car « si l’on peut comprendre l’impact de l’environnement, on peut peut-être modifier l’environnement pour avoir un impact sur le destin cellulaire ». Et dans le contexte particulier de l’allergie, « peut-être qu’un environnement laisse une trace et peut-être qu’un changement dans l’environnement peut changer cette trace », ajoute-t-il. « On pense que les mécanismes épigénétiques jouent un rôle dans les maladies allergiques. On en attend beaucoup car cela pourrait expliquer pas mal d’éléments qui jusque-là restaient assez mal compris », comme l’effet précoce de l’environnement ou le phénomène d’empreinte parentale observée dans l’asthme, évoque la Dr Siroux.
Période in utero
L’épigénétique a également un rôle important à jouer dans le champ des allergies alimentaires. « Il y a des interactions entre les gènes, l’environnement, l’alimentation qui peuvent conduire à des modifications épigénétiques dès la vie in utero et qui sont censées permettre à l’enfant d’être adapté à l’environnement qu’il va rencontrer », explique la Dr Karine Adel-Patient de l’unité INRA immuno-allergie alimentaire (CEA Saclay). Ces modifications épigénétiques sont sous la dépendance de facteurs maternels et environnementaux : « Ces effets peuvent s’amplifier à la naissance et des modifications néfastes de ces interactions peuvent induire des pathologies résultant de la dérégulation du système immunitaire dont les allergies alimentaires », ajoute-t-elle. Ainsi, « l’environnement de la mère pendant la grossesse et notamment des expositions à la fumée de cigarette, aux microbes ou à certains composants alimentaires vont pouvoir influencer la propension de la descendance à développer une sensibilisation ou une allergie alimentaire, notamment via ces modifications épigénétiques », illustre le Dr Adel-Patient.
Voies thérapeutiques
Ces modifications épigénétiques sont héritables, réversibles, sensibles aux stimuli environnementaux et surviennent ainsi sur des fenêtres de susceptibilité plus importantes : in utero, à la naissance ou durant l’adolescence. Au niveau de la naissance, outre le mode d’accouchement, deux facteurs importants sont à prendre en compte, à savoir « l’environnement bactérien – notamment la colonisation des muqueuses au niveau du tube digestif – et le type d’alimentation que l’enfant va recevoir et qui vont pouvoir faire évoluer des modifications épigénétiques déjà induites in utero ou en induire de nouvelles », souligne la Dr Adel-Patent. Après la cartographie du génome, l’enjeu pour la recherche est désormais d’aboutir à une cartographie de l’épigénome, « pour voir précisément où sont les changements moléculaires », indique le Pr Weitzman. « Ces recherches sont d’un grand intérêt car on imagine que des traitements ou des stratégies de prévention pourraient voir le jour à travers la compréhension des mécanismes épigénétiques », conclut le Dr Siroux.
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