En Europe et aux États-Unis

Archives publiques pour variations génétiques

Publié le 22/11/2010
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Crédit photo : SICKIDS

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Crédit photo : DR

CES BASES de données sont consacrées à « la découverte la plus surprenante émanant du séquençage du génome », explique au « Quotidien » Paul Flicek, responsable de l’équipe qui a développé les archives européennes, appelées Database of Genomic Variants Archive (DGVa)*, à l’institut européen de bioinformatique (EBI), en Angleterre. « On savait auparavant que la délétion d’une section du génome ou la possession d’un chromosome supplémentaire était la source de pathologies, précise le scientifique, mais la grande surprise fut de constater que les gens sains avaient aussi de grandes variations structurelles dans leur génome. »

Les chercheurs ont observé que, dans de multiples régions du génome, le nombre de copies de fragments d’ADN identiques ou pratiquement identiques, pouvant inclure des gènes, varie d’un individu à l’autre au sein d’une même espèce. La taille de ces régions est comprise entre quelques milliers et quelques millions de nucléotides. Le phénomène, appelé CNV (Copy Number Variation), est le résultat d’insertions, de délétions, de duplications et de réarrangements à grande échelle.

De nombreuses études ont été entreprises pour documenter l’effet de ces variations. Dans certains cas, l’absence ou la surabondance de copies d’une région codante a été associée en partie à des pathologies, notamment l’autisme, le retard mental, les maladies d’Alzheimer et de Parkinson. D’autres travaux ont montré que les CNV peuvent influencer l’apparition d’effets secondaires associés à des médicaments. Les CNV semblent également être impliqués dans les différences qui existent entre les groupes humains et dans les mécanismes d’évolution.

Les variants structuraux sont difficiles à analyser à cause de leurs grandes dimensions. « Aucune des méthodes pour les étudier n’est très exacte », commente Paul Flicek. Et même si « les chercheurs créent des algorithmes très astucieux pour essayer de répondre à ce problème », le responsable de DGVa pense qu’un vrai progrès ne viendra éventuellement que d’une amélioration de la technologie de séquençage « qui permettrait de lire de très longues séquences d’ADN ».

L’expertise européenne.

C’est donc la combinaison de l’afflux de résultats et de la complexité de leur signification qui a conduit depuis trois ans à une collaboration entre la première base de données de CNV, créée à Toronto, la Database of Genomic Variants (DGV)**, sous la responsabilité de Stephen Scherer, et EBI. DGV se rapporte uniquement au génome humain et se spécialise dans l’application à certaines pathologies. Le but de DGVa est de rassembler toutes les informations concernant les variations publiées dans tous les génomes vivants. Le laboratoire européen a « l’expertise de l’archivage de ce type de données concernant les séquences d’ADN », explique au « Quotidien » Stephen Scherer, directeur du centre de génomique appliquée à l’hôpital des enfants malades de Toronto, au Canada. Et, ajoute-t-il, « il possède l’énorme infrastructure nécessaire pour le faire dans un environnement informatique stable et durable ».

La mise en place simultanée de DGVa et de son équivalent américain, dbVar (Database of Genomic Structural Variation)***, basé dans le Maryland, a aussi coïncidé avec la conclusion de la phase pilote du projet 1 000 génomes (voir encadré). Celui-ci a, entre autres, permis de décrire 20 000 variations structurelles humaines. Une vétille aux yeux de Paul Flicek, qui prédit que 10 000 génomes ou plus seront séquencés dans les cinq ans à venir et qui prévoit la description concomitante de « dizaines voire de centaines de milliers de CNV ».

Échange d’informations.

« DGVa et dbVar échangent les informations qu’ils possèdent, et leurs contenus devraient concorder d’ici six mois », dit au « Quotidien » Deanna Church, responsable du groupe qui a mis en place dbVar au Centre national pour l’information biotechnologique (NCBI) aux États-Unis. Les deux archives offrent cependant des outils d’investigation qui leur sont propres. Paul Flicek, lui, insiste sur l’importance de l’existence de DGVa au niveau européen, car, souligne-t-il, « l’Europe a des ressources extrêmement vastes et tire une grande force de ses systèmes de santé nationaux et de ses collections de cohortes pour différentes pathologies ».

Outre une aide à la poursuite des études actuelles, qui s’efforcent d’associer le nombre de copies ou la qualité des copies de certaines régions d’ADN à des pathologies particulières chez l’homme, les archives devraient aussi faciliter des recherches sur les mécanismes par lesquels les CNV sont impliqués dans la maladie. Paul Flicek prend l’exemple du cancer, qui est caractérisé par un réarrangement significatif du génome. Comprendre « comment se produit le réarrangement ou comment il affecte le développement de la maladie, souligne-t-il, (pourrait se faire par) la cartographie de variants dans les cultures de cellules cancéreuses ».

Mais, déjà, à court terme, l’objectif est de comprendre ce que les CNV normaux signifient. « Un grand nombre d’entre eux sont des gènes délétères. Ce serait important d’avoir une idée de ce que la variation normale humaine représente », conclut Paul Flicek.

* www.ebi.ac.uk/dgva

** http://projects.tcag.ca/variation/

*** http://www.ncbi.nlm.nih.gov/dbvar

ISABELLE TROCHERIS

Source : Le Quotidien du Médecin: 8860