On estime qu'après 15 ans d'évolution, un patient sur trois sera concerné par des lésions anopérinéales, localisation de moins bon pronostic car témoignant d'une maladie plus sévère. On distingue les lésions primaires, ulcères plus ou moins creusant du canal anal pas toujours contemporains des poussées aiguës, des suppurations, fistules et sténoses considérées comme des lésions secondaires.
Les lésions anales peuvent révéler la maladie dans 10 % des cas. Il faut savoir évoquer une maladie de Crohn devant une fistule anale atypique et/ou complexe et pratiquer une iléocoloscopie qui confirme le diagnostic en présence de lésions évocatrices, mais si la localisation est uniquement anale, on peut être amené à débuter un anti-TNF sans avoir la preuve formelle du diagnostic, la biopsie n'étant contributive que dans 40 % des cas.
« La prise en charge des lésions anopérinéales ne se conçoit que par une collaboration étroite entre un chirurgien proctologue et un spécialiste des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin », insiste le Dr Laurent Abramowitz, service de gastroentérologie et de proctologie, CHU Bichat (Paris).
Optimiser les biothérapies
On sait maintenant qu'il faut augmenter la posologie des biothérapies en cas de lésions anales, comme le confirme un abstract présenté aux JFHOD (1). Si on peut devant un abcès aigu être amené à suspendre la biothérapie le temps du drainage, il faut au contraire l'instaurer ou l'augmenter rapidement en cas de fistule pour contrôler la maladie de fond. Ainsi, pour l'infliximab, la dose de 5 mg/kg tous les deux mois ne suffit généralement pas et doit être passée à 10 mg/kg en raccourcissant éventuellement le délai entre les injections. Quant à l'adalimumab, on prescrira volontiers 80 mg tous les 15 jours, voire toutes les semaines. L'optimisation passe aussi souvent par la combothérapie, en associant les anti-TNF à des immunosuppresseurs, l'azathioprine (Imurel) le plus souvent. Les nouvelles molécules, une anti-interleukine (ustékinumab) ou une anti-intégrine (vedolizumab) permettent d'envisager une troisième ligne thérapeutique mais on manque de recul sur leur efficacité dans les lésions anales. En cas d'échec d'un anti-TNF, après avoir augmenté la posologie et/ou raccourci le délai entre deux injections, il est licite de changer pour un autre anti-TNF, et si aucun des deux n'a permis de contrôler la maladie se pose alors la question de l'instauration d'un autre type de biothérapie.
Fermer les fistules… ou pas
Sur le plan proctologique proprement dit, le chirurgien proctologue doit drainer toutes les fistules, sous-cutanées et intramurales dont les trajets sont parfois complexes, et les drainer par un séton (élastique avec une extrémité ressortant par l'orifice primaire du canal anal et l'autre par l'orifice secondaire périnéal). « Nous présentons en séance plénière le résultat d'une étude menée chez des patients contrôlés par l'adalimumab (2), afin de savoir s'il y a un bénéfice à obstruer les fistules avec de la colle biologique ou un lambeau d'avancement par rapport à la simple section du séton, explique le proctologue, mais elle n'a pas montré d'avantage à obstruer la fistule, ce qui remet en cause notre pratique. D'autres stratégies d'obturation sont en cours d'études, comme la radiofréquence, le laser ou les cellules-souches ».
D'après un entretien avec le Dr Laurent Abramowitz, service de gastroentérologie et de proctologie, CHU Bichat (Paris)
(1) Sirmai L. abstr. CO.109
(2) Abramowitz L. abstr. CO.152
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