Le syndrome de l’intestin irritable (SII) peut être particulièrement gênant voire invalidant au quotidien dans ses formes modérées à sévères, lorsque les traitements conventionnels ne suffisent pas à soulager les symptômes. En quête de solutions plus efficaces, nombreux sont les patients à se tourner vers des thérapies alternatives, comme l’hypnose, dont les bénéfices sont bien documentés. Ce n’est pas le cas de l’ostéopathie, testée par près de 40 % des patients colopathes en France (1). Des études monocentriques, bien que menées sur des effectifs restreints, avaient rapporté des résultats encourageants mais variables. Certaines observations font état d’une amélioration des symptômes et d’un effet sur la sensibilité rectale (2) ou sur la sévérité du SII (3). L’étude randomisée multicentrique Ibsomt (PHRCN-PHRC-15-294) a cherché à mesurer objectivement l’efficacité de cette technique (4).
« Nous avons inclus des patients adultes diagnostiqués avec un SII (critères de Rome III), d’intensité moyenne à sévère (score IBS-SSS entre 175 et 500 points) », détaille le Dr Fabien Wuestenberghs (Hôpital Avicenne, Bobigny).
210 patients ont ainsi été randomisés entre ostéopathie viscérale (trois séances espacées de deux semaines sur un mois) et manipulation placebo. L’objectif principal était d’observer l’amélioration de l’IBS-SSS après deux mois, soit un mois après la fin de l’ostéopathie.
Les chiffres
156 patients ont été inclus dans six centres : l’âge moyen était de 46 (± 15) ans, avec 73 % de femmes. Le score moyen de sévérité IBS-SSS était de 336 (± 66) points, avec 27,1 % de formes de sévérité moyenne et 72,9 % de formes sévères (IBS-SSS > 300), un score identique dans les deux groupes. Avant l’inclusion, 61 % des patients estimaient que l’ostéopathie pouvait être efficace pour traiter leur maladie. À deux mois, la diminution absolue du score de sévérité était similaire dans les deux groupes (52,4 ± 97,6 contre 48,6 ± 98,9 points, p = 0,975), suggérant un effet placebo, tout comme pour les niveaux d’anxiété, de dépression ainsi que la qualité de vie, les trois critères secondaires.
Des résultats tous négatifs
Les conclusions de l’étude sont sans appel, alors même que celle-ci a été stoppée prématurément après analyse de futilité : « Que ce soit au regard de la sévérité du SII, des comorbidités psychologiques ou de la qualité de vie, l’ostéopathie viscérale n’apporte pas de bénéfice supplémentaire par rapport à celui du placebo, qui est important, comme dans tout trouble fonctionnel (30 à 40 %, environ) », conclut le Dr Wuestenberghs.
Le bénéfice du placebo est important
Dr Fabien Wuestenberghs
Un coup dur pour l’ostéopathie viscérale ? « C’est certain, affirme le spécialiste, qui nuance néanmoins : bien que les chiffres soient irréfutables (dans le cadre de notre protocole précis et chez des patients avec un SII d’intensité moyenne à sévère), et que l’ostéopathie viscérale ne soit pas à recommander pour son efficacité dans le SII, un patient peut ressentir une amélioration, même si celle-ci est due à un effet placebo. Des analyses de sous-groupes sont en cours, et l’effet potentiel dans les formes légères du SII n’a pas été évalué. »
(1) Sabaté JM et al. Clin Res Hep Gastro 2020;44(6):961-7
(2) Attali TV et al. J Dig Dis 2013(14):654-61
(3) Florance et al. Europ J Gastrol Hep 2012;24(8):944-9
(4) JFHOD 2025, C087 Wuestenberghs F et al. Effet de l’ostéopathie viscérale sur la sévérité des symptômes dans le syndrome de l’intestin irritable (IBSOMT) : une étude prospective randomisée française
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