Le dossier Mediator continue de faire l’actualité et c’est naturel. « Le Quotidien », qui n’a jamais esquivé le débat, fait aujourd’hui le point sur cette affaire en recensant, d’une part, les rapports et les analyses qui accusent ; d’autre part, les travaux et les notes qui sont plus critiques vis-à-vis de ces mêmes études. S’agissant notamment de la méthodologie.
Mais ce dossier a également un aspect strictement plus politique, au sens noble du terme, que l’on ne saurait nier. Certes le remplacement du directeur de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) le démontre aisément, mais les travaux des commissions parlementaires en sont aussi l’une des preuves les plus évidentes. Et à cet égard, les auditions (page 7) du Président des laboratoires Servier et du Président du LEEM (association patronale de l’industrie pharmaceutique) qui, à l’évidence ne sont pas sur la même longueur d’onde, sont significatives des répercussions de cette affaire sur le monde du médicament et surtout sur la politique du médicament.
Ce que dit l’étude
... d’Irène Frachon
En avril 2010, Irène Frachon (CHU Brest) et coll. publient dans « PLoS ONE » (PLoS ONE 5(4):e10128.doi:10.1371/journal.pone.0010128) une étude intitulée « Benfluorex and Unexplained Valvular Heart Disease : a Case Control Study ». Ce travail a été entrepris car la même équipe avait observé un peu plus tôt 1 cas de valvulopathie sévère chez un patient exposé au benfluorex, qui s’ajoutait à 2 cas rapportés dans la littérature (Ribera et coll. en 2003 et Noize et coll. en 2006). L’étude cas-contrôle, rétrospective, de Frachon et coll. avait pour but d’examiner une possible association entre le benfluorex et une régurgitation mitrale (une des anomalies observées avec les dérivés de la fenfluramine).
Les patients éligibles étaient ceux qui avaient été admis en cardiologie ou en chirurgie cardiaque au CHU de Brest entre le 1er janvier 2003 et le 30 juin 2009 avec un codage diagnostique d’insuffisance mitrale. Étaient considérés comme ayant une régurgitation mitrale « expliquée » soit ceux qui avaient une cause primitive (dégénérative, cardiopathie rhumatismale connue, endocardite infectieuse, congénitale, radique, associée à une connectivite ou une vascularite, traumatique, tumorale) soit ceux qui avaient une cause secondaire (fonctionnelle). Les autres patients étaient considérés comme ayant une régurgitation mitrale « inexpliquée » ; ce sont ceux-là qui ont été inclus comme les « cas » dans l’étude. À chaque cas étaient appariés 2 sujets contrôles parmi les sujets ayant une régurgitation « expliquée ». L’exposition aux médicaments a été évaluée en aveugle lors de contacts avec les patients, leur famille ou leur médecin traitant.
Résultat : parmi les 682 patients éligibles, ont été identifiés 27 cas, appariés, donc, à 54 contrôles. L’utilisation de benfluorex a été rapportée chez 22 patients : 19 des 27 cas et 3 des 54 contrôles (odds ratio : 17,1, ajusté pour l’IMC, le diabète et l’utilisation de dexfenfluramine). « L’utilisation de benfluorex est associée à une régurgitation mitrale inexpliquée », concluaient Irène Frachon et coll.
... de Christophe Tribouilloy
Le 17 mars 2010, Christophe Tribouilloy et coll. (Amiens) publient dans « European Journal of Echocardiography » online un travail conduit de façon rétrospective chez des patients vus entre 2003 et 2008. Il a permis d’identifier 22 patients présentant une régurgitation mitrale organique restrictive d’étiologie « non claire ». Ces patients ont été appariés à 22 patients opérés pour une régurgitation mitrale dystrophique. Il est apparu que 8 des 22 patients ayant une régurgitation d’origine indéterminée (36,4 %) avaient utilisé du benfluorex (l’un d’eux ayant été exposé à la fois au benfluorex et à la fenfluramine), contre 4,5 % des patients de l’autre groupe. À noter que tous les patients traités par benfluorex étaient hyperlipidémiques et que 67 % avaient un diabète. « Bien qu’elle ne puisse affirmer une relation causale, cette étude suggère fortement que les patients traités par benfluorex pourraient avoir un risque de cardiopathie valvulaire organique restrictive », concluaient les auteurs.
REGULATE
Les résultats préliminaires de l’étude Regulate (benfluorex et sulfonylurée versus pioglitazone et sulfonylurée), réalisée à l’initiative des Laboratoires Servier avant l’émergence du signal de sécurité et communiqués à l’Afssaps en septembre 2009, ont montré, entre t0 et après un an de traitement, l’émergence d’anomalies valvulaires fonctionnelles triviales mais statistiquement significatives et survenant chez environ trois fois plus de patients sous benfluorex que de patients sous l’autre traitement. Des anomalies morphologiques des valves ont été observées deux fois plus souvent sous benfluorex que sous comparateur.
CNAMTS 1
Le 13 octobre 2010 est publiée online dans « Pharmacoepidemiology and Drug Safety » l’étude d’Alain Weill et coll. (dite CNAMTS 1), réalisée à partir du chaînage de 2 bases de données françaises : le SNIIRAM (assurance maladie) et le PMSI (hospitalisations). Étaient éligibles les patients de 40 à 69 ans avec des remboursements d’antidiabétiques en 2006 ; étaient considérés comme exposés ceux qui avaient eu au moins un remboursement de benfluorex en 2006. Au total ont été inclus 1 048 173 patients diabétiques, dont 43 044 exposés au benfluorex. Le RR d’hospitalisations en 2007-2008 pour une insuffisance valvulaire était de 2,9 dans le groupe exposé ; par ailleurs, le RR ajusté était de 2,5 pour l’insuffisance mitrale, de 4,4 pour l’insuffisance aortique et de 3,9 pour le remplacement valvulaire.
CNAMTS 2
L’Afssaps a saisi la CNAMTS le 25 août 2010 pour réaliser « une analyse épidémiologique sur une cohorte, qui permettrait d’avoir un début de documentation de l’impact du benfluorex sur la mortalité ».
Ce rapport, signé Alain Weill et coll. a été adressé à l’Afssaps le 28 septembre. Il a été réalisé sur 303 259 personnes exposées au benfluorex en 2006, dont 72,6 % de femmes ; 556 avaient été hospitalisés au moins une fois pour valvulopathie par régurgitation entre 2006 et 2009. Parmi ces 556, on a observé 58 décès en 55 mois. Plus de 90 % étaient en ALD au moment du décès (la plupart pour pathologie cardiovasculaire ou diabète). Dans une note complémentaire, les auteurs du rapport publient un tableau complémentaire portant sur 6 patients décédés avec une atteinte multivalvulaire.
Lors de la présentation de ce travail devant la Commission nationale de pharmacovigilance le 15 novembre 2010, Catherine Hill extrapole les conclusions aux 303 000 utilisateurs de benfluorex et estime que l’on pourrait attribuer au benfluorex : 465 décès après 5,5 ans de suivi, 3 500 hospitalisations pour insuffisance valvulaire après 4 ans de suivi et 1 750 interventions cardiaques après 4 ans de suivi.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024